Editorial
Elie, prophète du 9ème siècle, vit à une époque où le peuple d’Israël se tournait vers les idoles et oubliait son Dieu. Elie est un chercheur de Dieu ; la bible nous le présente, « assis au sommet de la montagne » (lieu de la rencontre) 2Rois1,9. ou « incliné jusqu’à terre, le visage entre ses genoux » 1Rois 18,42. Deux attitudes qui reflètent sa prière toute concentrée en Dieu.
Dans le premier livre des Rois, 1 R 17 à 19 apparaît aussi une certaine manière de vivre du prophète, manière de vivre qui touche le questionnement écologique. Cet aspect du message d’Elie, M.A Lacome l’aborde dans un article intitulé « A l’écoute de la Source, pour une écologie fondamentale à l’école du Carmel » Article paru dans le N° 141 de la revue Carmel dont voici quelques extraits.
Toute la première partie du cycle d’Elie se déroule sur l’arrière fond d’un grave problème écologique : une sécheresse sur tout le pays qui dure plusieurs années ! La quête de l’eau est une question de survie. Dans le contexte croyant de l’époque, le nom de la Source qui alimente toutes les sources est connu et c’est à elle que tout est référé dès le début du texte : « Par le Seigneur vivant, le Dieu d’Israël, que je sers…il n’y aura …ni rosée, ni pluie sauf à mon commandement »1R 17,1…
Tout le déroulement de la suite montre comment l’existence entière d’Elie s’enracine dans cette Origine. A aucun moment le prophète n’envisage d’autre solution que celle dictée par la Parole ; lui-même dira publiquement : « C’est par ta parole que j’ai fait toutes ces choses » 1R18,36. Autrement dit, nulle action, avec son lot de conséquences grandes ou petites ne part d’une initiative purement personnelle de « l’homme de Dieu ».
Une des dépendances essentielles vis-à-vis de cette Parole divine réside, dans l’accueil de la nourriture et de l’eau. A chaque étape de son parcours, Elie mange et boit ce qui lui est donné par les médiations qui lui sont indiquées. Recevoir sa subsistance d’En-Haut… ; L’épisode de Sarepta livre un message encore plus complet que le seul fait de savoir que tout nous vient d’En-Haut…
Notons avec quelle mesure la subsistance est promise au nom du Seigneur, et est ensuite donnée pendant trois ans : jarre de farine et cruche d’huile ne s’épuisent pas, mais l’expression laisse supposer qu’il n’y a pas surabondance ! A l’école d’Elie, la veuve et son fils apprendront à recevoir leur pain de la main divine, non pas une fois pour toutes, mais chaque jour ; ils apprendront ainsi qu’une vie sobre est la condition de leur survie, selon leurs besoins réels.
C’est aussi dans cette vie de sobriété, mais non de misère, qu’Elie va passer trois années avant de connaître sur le mont Carmel, le plus éclatant de ses « succès » publics à la gloire du Dieu d’Israël. Il vit durant cette période dans le logis d’une pauvre veuve… Il y occupe en solitaire, une chambre haute. Habitat pauvre et retiré, existence sobre et toute en dépendance de la Parole divine…
D’autre part, au cœur de la « catastrophe écologique » du moment ; la seule faute qu’Elie dénonce est celle qui consiste en l’abandon de la Source véritable au profit des Baals : « le porte malheur d’Israël c’est toi (Akhab) et la maison de ton père parce que vous avez abandonné les commandements du Seigneur et que tu as suivi les Baals »1R18, 18…
En tous ces débuts de son ministère, la vie d’Elie est faite d’apparitions publiques et de retraits du monde, les temps où il se retire étant les plus longs : Kerit, Sarepta, la prière solitaire au Carmel, au désert de Juda, à l’ Horeb. Ce constat invite à penser que la manière propre à Elie d’habiter la terre est d’y laisser le moins de traces possibles de lui-même. Quant à l’usage des biens de ce monde, il ne semble pas dépasser les limites du nécessaire à sa survie sauf quand il s’agit de la gloire de Dieu. Ce recul dans la façon d’habiter le monde, cette austérité, on le devine, sont comme l’envers d’un parfait état de réceptivité intérieure à la Parole du Tout-Puissant .Aussi Elie est-il apte à poser un juste discernement écologique ; à l’Horeb il ne se laissera pas tromper par la voix des éléments naturels, si déchainés soient-ils : ouragan, tremblement de terre, feu…
De ce qui précède, quelques grandes lignes se dégagent, permettant d’évoquer un comportement écologique induit par la spiritualité carmélitaine. A la base s’impose de toute évidence la référence à la Parole de Dieu, reconnue comme Source unique et absolue. Nous pouvons ensuite désigner deux attitudes foncières, qui se dressent comme les versants de cette vallée de l’intériorité en laquelle s’écoule l’eau pure de la Source de vie : le retrait (le recul, le détachement..) et la sobriété; en les pratiquant le carmel crée l’espace de liberté qui rend capable de poser un regard juste et sain sur les biens de ce monde et d’en faire un usage juste…
… A l’école du Carmel, c’est toute la personne qui est appelée à un comportement écologique non par une mise aux normes selon des critères extérieurs mais par fidélité à un principe intérieur,…invitation à descendre en eaux profondes … Demeurer à ce niveau de profondeur est exigeant ; c’est là pourtant que le regard puise la capacité de situer toute réalité créée à sa juste place : un regard contemplatif est en effet aussi un regard écologique! Il porte en lui le refus de prendre à la création quoi que ce soit pour sa jouissance égoïste, car il perçoit en toute chose le don de l’Amour qui l’a créé.
Paroles du Pape François dans Laudato si’ :
« Je veux proposer aux chrétiens quelques lignes d’une spiritualité écologique qui trouvent leur origine dans les convictions de notre foi, car ce que nous enseigne l’Evangile a des conséquences sur notre façon de penser, de sentir et de vivre. Il ne s’agit pas de parler tant d’idées, mais surtout de motivations qui naissent de la spiritualité pour alimenter la passion de la préservation du monde…
La spiritualité n’est déconnectée ni de notre propre corps, ni de la nature, ni des réalités de ce monde ; la spiritualité se vit plutôt avec celles–ci et en elles » N°216
Résonance dans notre vie…
« Le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent tous et nous touchent tous. (…) Le comportement écologique de fond peut se décliner dans divers choix de l’existence quotidienne de tout chrétien… »
Nous ? Concrètement que pouvons-nous faire ?
Prière (extraits de Laudato si’)
Père, toi qui entoures de ta tendresse tout ce qui existe, répands sur nous la force de ton amour pour que nous protégions la vie et la beauté.
Inonde-nous de paix pour que nous vivions comme frères et sœurs sans causer de dommages à personne.
Guéris nos vies pour que nous soyons des protecteurs du monde. Soutiens-nous, nous t’en prions dans notre lutte pour la justice, l’amour et la paix.