Le Livre des Demeures
Editorial
Dans les 5èmes Demeures, Thérèse nous introduit dans ce qu’elle appelle “l’oraison d’union ”… C’est une grâce, un cadeau de Dieu, car Lui seul peut nous introduire au centre de notre âme : “ le Seigneur nous met là quand il veut, et comme il veut… ”. (5 Dem.1,12). Il s’agit de se laisser transformer à l’image du Christ ; et nous y sommes tous appelés :
“ nous tous qui portons ce saint habit du Carmel (le scapulaire) nous sommes appelés à l’oraison et à la contemplation, car telle fut notre origine, nous descendons de cette caste, celle de nos saints Pères du Mont Carmel qui, dans une si grande solitude …recherchaient ce trésor, cette perle précieuse… puisque en quelque sorte nous pouvons jouir du ciel sur la terre, prions bien haut le Seigneur de nous aider de sa grâce pour que nous n’y manquions point par notre faute, qu’il nous montre le chemin, et nous donne de la force d’âme, jusqu’à ce que nous découvrions ce trésor caché, puisqu’il est vrai qu’il est en nous ”. (5ème Dem.1,2)
C’est le Seigneur qui édifie la Demeure, mais il agit avec la pleine collaboration de chacun…Thérèse fait appel à un don total de soi-même :
“ J’ai dit ‘de la force d’âme’… si chacun donne ce qu’il a, Dieu s’en contente. Béni soit un si grand Dieu… il n’entend pas que vous vous réserviez quoi que ce soit; peu ou beaucoup, il veut tout pour lui.. (5D.1,3)
Ici, bien que toutes nos puissances soient endormies, aux choses du monde et à nous-mêmes, (car, en fait, on se trouve comme privée de sentiments pendant le peu de temps que dure cette union) dans l’incapacité de penser … Et même aimer… car si elle aime, elle ne sait comment, ni qui elle aime, ni ce qu’elle aimerait; enfin, elle est comme tout entière morte au monde pour mieux vivre en Dieu (5Dem.1,4)
Dieu agit en elle sans que nul n’y fasse obstacle, pas même nous. Que ne donnera donc pas celui qui aime tant à donner, lorsqu’il peut donner tout ce qu’il veut ? ” (5Dem.1,5)
Mais comment savoir qu’il ne s’agit pas d’une illusion ? Thérèse nous donne le signe qui ne trompe pas : C’est la certitude de la Présence de Dieu.
“ je veux vous donner un signe clair qui vous évitera de vous tromper et de douter que cela vienne de Dieu… cette âme que Dieu a rendue toute bête, pour mieux graver en elle la vraie science; elle ne voit rien, n’entend ni ne comprend rien le temps que dure cet état; temps bref, mais il lui semble, à elle, plus bref encore qu’il ne l’est. Dieu se fixe dans cette âme de telle façon que lorsqu’elle revient à elle, elle ne peut absolument pas douter qu’elle fut en Dieu, et Dieu en elle. Cette vérité s’affirme si fortement que même si des années se passent sans que Dieu lui fasse à nouveau cette faveur, elle ne peut l’oublier, ni douter de l’avoir reçue. C’est ce qu’il y a de plus important… (5Dem.1,9)
elle le voit clairement après coup; ce n’est pourtant pas une vision, mais une certitude que Dieu seul peut donner à l’âme… (5Dem.1,10)
Il nous suffit de comprendre que la puissance de Celui qui agit de la sorte, est infinie… ”( 5Dem.1,11)
Pour tenter d’expliquer ce qu’est cette “ grâce de l’oraison d’union ”, Thérèse empreinte des images symboliques :
– Le sceau et la cire : l’expérience de la présence de Dieu dans cette union, laisse l’âme marquée de son sceau : ch.1,9 + ch.2,12.
– Le cellier où le Seigneur la place :5 Dem. ch.1,12 + ch.2,12.
– Le cénacle et le don de la paix : 5 Dem. ch.1,12 + 7 Dem.2,7.
– Le ver à soie ; la transformation de l’âme chrétienne : 5Dem.2.3.4.
– L’amour nuptial : 5Dem.4…
Dans le chapitre 2, Thérèse a recours au symbole du “ ver à soie qui renaît papillon ”, pour exprimer la transformation spirituelle du chrétien habité par la certitude de la présence de Dieu en lui…Les efforts accomplis par cette personne l’ont préparée à construire une maison (casa) comparable au cocon que file le ver à soie.
“Ce ver commence à vivre lorsque, à la chaleur du Saint-Esprit, nous commençons à profiter de l’aide que Dieu nous donne à tous, …qu’il a confiés à son Église, comme la pratique de la confession, les bonnes lectures, les sermons, qui s’offrent à l’âme morte des suites de sa négligence, et demeure au milieu des tentations. Elle commence alors à vivre, elle se nourrit de tout cela et de bonnes méditations jusqu’à ce qu’elle ait grandi… (5Dem.2,3)
Lorsque ce ver est grand, il commence à élaborer la soie et à édifier la maison où il doit mourir… cette maison, c’est le Christ… notre vie est cachée dans le Christ, le Christ est notre vie (Col 3,3). ” (5Dem.2,4)
Cette union de l’homme avec Dieu passe par la mort, comme le petit ver dans sa coque ;le cocon se brise et il en sort un papillon blanc, né pour voler et être libre ; c’est une renaissance à une autre manière de vivre…
“Lorsqu’il est élevé à ce degré d’oraison, bien mort au monde, il se transforme en petit papillon blanc. Ô grandeur de Dieu, que devient l’âme ici, du seul fait d’avoir été un petit peu mêlée à la grandeur de Dieu et si proche de Lui; car, ce me semble, elle n’y reste pas plus d’une demi-heure! … Elle ne sait comment elle a pu mériter un si grand bienfait…elle éprouve un tel désir de louer Dieu qu’elle voudrait s’anéantir et mourir pour Lui mille morts… Son souhait le plus ardent est de se livrer à la pénitence, de rechercher la solitude. Elle voudrait que tous au monde connaissent Dieu; et de là naît une peine extrême… (5Dem.2,7)
Tout ce qu’elle peut faire pour Dieu lui semble peu de chose, si vif est son désir de Le glorifier…Tout la fatigue, depuis qu’elle a la preuve que les créatures ne peuvent lui donner le vrai repos .(5Dem.2,8)
elle n’est pas encore aussi abandonnée à la volonté de Dieu qu’elle le sera dans l’avenir… et chaque fois qu’elle fait oraison, c’est là sa peine…voir Dieu offensé en ce monde, peu honoré, et le grand nombre d’âmes qui s’y perdent… ”(5D.2,10)
Face à cette souffrance, Thérèse se livre à la contemplation du Christ Jésus vivant la Passion, l’anticipation de sa mort et de sa vie nouvelle.
“cette âme s’abandonne dans ses mains; vaincue par son grand amour, elle demande à Dieu de faire d’elle ce qu’il veut… et Dieu veut que sans qu’elle sache comment, elle sorte de là scellée de son sceau. Car, vraiment, ici, l’âme n’est pas plus active que la cire sur laquelle on imprime un sceau, la cire ne se scelle pas elle-même, elle est seulement disposée, …elle se tient tranquille, et consent. Ô Dieu,…Vous ne demandez que notre bonne volonté…(5Dem.2,12)
alors que la charité de cette âme était infime, comparée avec celle du Christ, quelle affliction dut ressentir Notre-Seigneur Jésus-Christ ? Quelle vie dut être la sienne, lui qui voyait toutes choses, et qui avait toujours devant les yeux les grandes offenses faites à son Père ? Je ne doute pas que ces souffrances-là n’aient été bien pires que celles de sa très sainte Passion, car il touchait alors à la fin de ses épreuves, et, joint à la joie de faire notre salut par sa mort, à celle de témoigner de son amour pour son Père en souffrant pour lui si cruellement, cela put modérer ses douleurs… Que devait-il en être pour Sa Majesté, alors qu’Elle montrait au Père avec quelle perfection Elle lui obéissait, avec quel amour du prochain ?” (5Dem.2,14)
Prière
A la mesure sans mesure De ton immensité,
Tu nous manques, Seigneur.
Dans le tréfonds de notre cœur
Ta place reste marquée
Comme un grand vide, une blessure.
Dans le tourment
de ton absence.
C’est toi déjà, Seigneur,
Qui nous as rencontrés.
Tu n’es jamais un étranger,
Mais l’hôte plus intérieur
Qui se révèle
en transparence.
Cachés au creux
de ton mystère,
Nous te reconnaissons
Sans jamais te saisir.
Le pauvre seul peut t’accueillir,
D’un cœur brûlé d’attention,
Les yeux tournés vers ta lumière.
( Hymne du mercredi soir 1ère semaine-
Prière du Temps Présent )
“ Le Seigneur nous met là (dans l’oraison d’union), quand Il veut et comme Il veut… ” (5Dem.1,12)
Suis-je convaincue que je puis recevoir cette grâce et comment je me prépare à recevoir “ ce cadeau de Dieu ” ?
Concrètement, comment je réponds
à l’appel de
“ Vivre en présence de Dieu ” ?
Ma communauté est-elle “ la demeure où Dieu habite ” ?