Vivre la fraternité avec Thérèse de l’Enfant Jésus de la sainte Face n°4

Editorial

         Pour Thérèse, vivre l’amour fraternel est essentiel, bien concret dans son Carmel dans tous les petits actes du quotidien. C’est dans son Carmel qu’elle dit avoir compris ce qu’est la charité, comme nous l’avons déjà vu, mais elle l’avait vécu en famille et le vivra en union avec le monde, bien au-delà des murs du Carmel.

            Avec beaucoup d’ingéniosité et de ténacité, Thérèse a su faire plaisir à ses sœurs comme si elle faisait plaisir à Jésus. Au Carmel Thérèse voudra donc remplir auprès des âmes blessées le rôle de Bon Samaritain et conseillera de ne jamais se décourager dans les efforts que nous déployons pour épanouir les autres. MC 28 :

       « En pensant à toutes ces choses, je me suis dit que je devrais être aussi compatissante pour les infirmités spirituelles de mes soeurs, que vous l’êtes, ma Mère chérie, en me soignant avec tant d’amour. J’ai remarqué (et c’est tout naturel) que les soeurs les plus saintes sont les  plus aimées, (…) Les âmes imparfaites au contraire, ne sont point recherchées, sans doute on se tient à leur égard dans les bornes de la politesse religieuse, mais craignant peut-être de leur dire quelques paroles peu aimables, on évite leur compagnie. – En disant les âmes imparfaites, je ne veux pas seulement parler des imperfections spirituelles, puisque les plus saintes ne seront parfaites qu’au Ciel, je veux parler du manque de jugement, d’éducation, de la susceptibilité de certains caractères, toutes choses qui ne rendent pas la vie très agréable. Je sais bien que ces infirmités morales sont chroniques, il n’y a pas d’espoir de guérison, mais je sais bien aussi que ma Mère ne cesserait pas de me soigner, d’essayer de me soulager si je restais malade toute ma vie.

            Voici la conclusion que j’en tire: Je dois rechercher (…) la compagnie des soeurs qui me sont le moins agréables, remplir près de ces âmes blessées l’office du bon Samaritain. Une parole, un sourire aimable, suffisent souvent pour épanouir une âme triste; mais ce n’est pas absolument pour atteindre ce but que je veux pratiquer la charité car je sais que bientôt je serais découragée, un mot que j’aurai dit avec la meilleure intention sera peut-être interprété tout de travers. Aussi pour ne pas perdre mon temps, je veux être aimable avec tout le monde (et particulièrement avec les soeurs les moins aimables) pour réjouir Jésus et répondre au conseil qu’Il donne dans l’Évangile à peu près en ces termes: – “Quand vous faites un festin n’invitez pas vos parents et vos amis (…); mais invitez les pauvres, les boiteux, les paralytiques et vous serez heureux de ce qu’ils ne pourront vous rendre, car votre Père qui voit dans le secret vous en récompensera.” Quel festin pourrait offrir une carmélite à ses soeurs si ce n’est un festin spirituel composé de charité aimable et joyeuse ? Pour moi, je n’en connais pas d’autre et je veux imiter St Paul qui se réjouissait avec ceux qu’il trouvait dans la joie : il est vrai qu’il pleurait aussi avec les affligés et les larmes doivent quelquefois paraître dans le festin que je veux servir, mais toujours j’essaierai qu’à la fin ces larmes se changent en joie, puisque le Seigneur aime ceux qui donnent avec joie.

        Dans ses « Conseils et souvenirs » (CSG) Sr Geneviève, sa sœur et sa novice, rapportera dans la même tonalité quelques phrases : «Il y a des pauvres partout, des âmes faibles, malades, opprimées… Et bien ! Prenez leurs fardeaux. Renvoyez les, libres…» ou «Notre jugement doit donc être, en toute occasion, favorable au prochain. On doit toujours penser le bien, toujours excuser.» ou encore «voyez vous, me dit-elle, il faut prendre les mêmes soins des âmes, souvent on n’y pense pas et on les blesse. (…) Pourquoi donc ne pas les soulager avec la même charité, la même délicatesse que les corps ?

             Thérèse décrira en détail comment, encore novice,  elle a vécu un acte de charité que le Bon Dieu lui inspira pour Sr St Pierre en concluant : «  lorsque je conduisais ma Sr St Pierre, je le faisais avec tant d’amour qu’il m’aurait été impossible de mieux faire si j’avais dû conduire Jésus lui-même. » MC 30. Thérèse saura aussi compatir à la souffrance d’autrui hors de son Carmel comme par exemple, celle de Marie Guérin qui traverse une crise pénible de scrupules, Thérèse lui  avoue qu’elle a connu la même épreuve. LT 92.

              Mais plus largement Thérèse dira que la motivation profonde de sa vocation au Carmel est  de « sauver les âmes et surtout (…) de prier pour les prêtres » MA 69. Elle écrira en 1889 : «Il n’y a qu’une seule chose à faire pendant la nuit, l’unique nuit de la vie qui ne viendra qu’une fois, c’est d’aimer, d’aimer Jésus de toute la force de notre coeur et de lui sauver des âmes pour qu’il soit aimé… Oh! faire aimer Jésus! LT 96  et à Léonie : « Ramasser une épingle par amour  peut convertir une âme ! Quel mystère ! Ah ! c’est Jésus qui seul peut donner un tel prix à nos actions » LT 164 ou à  Céline « Oh! ma Céline, vivons pour les âmes… soyons apôtres. Sauvons surtout les âmes des Prêtres, (…) Prions, souffrons pour eux…» LT 94 

           Nous pouvons nous demander quels conseils Thérèse donnait pour cette prière. « Nous devons nous contenter d’exposer nos désirs sans formuler de demandes. On imite la prière de la vierge qui  à Cana s’est contentée de dire ‘ils n’ont plus de vin » ou la prière de Marthe et Marie : « Seigneur celui que vous aimez est malade » CSG.

               Thérèse ne cesse de désirer pour les autres ce qu’elle désire pour elle-même. Elle écrit au Père Roulland  «  Tout ce que je demande à Jésus pour moi, je le demande pour vous » LT 201 et à l’abbé Bellière : «  j’espère qu’un jour Jésus vous fera marcher par la même voie que moi» LT 247 et le 4 août 1897 «  quand je prie pour mes frères missionnaires(…), je dis simplement : Mon Dieu, donnez-leur tout ce que je désire pour moi ».

             Et sa prière embrasera peu à peu l’univers : «Thérèse n’avait qu’à penser à une seule personne pour que du même coup sa prière s’étende à toute une catégorie d’âmes. Pranzini était pour elle le ‘type » des grands criminels dont il fallait obtenir la conversion par la prière et le sacrifice, le père Loyson, le type des mauvais prêtres, M. Tostain, le type des incroyants de bonne foi, Léo Taxil, le type des incroyants de mauvaise foi (…); ses deux frères spirituels représentaient à ses yeux tous les missionnaires qu’elle devait soutenir par ses prières, et ses novices, toutes les petites âmes auxquelles elle devrait enseigner plus tard sa « petite voie » cf P. Descouvemont Thérèse de Lx et son prochain.

             Il est vrai qu’à partir du lien fraternel avec ses deux « frères » prêtres, sa prière s’est concrétisée et universalisée : ils ouvraient son cœur à l’Afrique, à la Chine, au monde entier. Goûtons ses mots. Elle écrit à l’Abbé Bellière : «Travaillons ensemble au salut des âmes, nous n’avons que l’unique jour de cette vie pour les sauver et donner ainsi au Seigneur des preuves de notre amour.» LT 213 et «Unies en Lui, nos âmes pourront en sauver beaucoup d’autres car ce doux Jésus a dit: ” Si deux d’entre vous s’accordent ensemble, quelque soit la chose qu’ils demandent à mon Père elle leur sera accordée. Ah! ce que nous Lui demandons, c’est de travailler pour sa gloire, c’est de l’aimer et de le faire aimer... Comment notre union et notre prière ne seraient-elles pas bénies? » LT 220 et au le Père Roulland : «je suis assurée que mon Céleste Epoux suppléera à mes faibles mérites (…) et qu’Il exaucera les désirs de mon âme en fécondant votre apostolat. Je serai vraiment heureuse de travailler avec vous au salut des âmes… » LT 189 

              A l’approche de sa mort, Thérèse les rassure et leur dit : à l’abbé Bellière : « Quand je serai au port je vous enseignerai, cher petit frère de mon âme, comment vous devrez naviguer sur la mer orageuse du monde avec l’abandon et l’amour d’un enfant qui sait que son Père le chérit » LT 258 : et à l’abbé Roulland : « votre petite soeur tiendra ses promesses, et avec bonheur l’âme (de votre petite sœur) volera vers les lointaines régions que vous évangélisez. (…) vous remercierez le Seigneur de me donner les moyens de vous aider plus efficacement dans vos oeuvres apostoliques » LT 254

 Résonance :

Thérèse nous convie à vivre profondément l’amour fraternel avec nos amis, nos familles, mais aussi avec les pécheurs, ceux qui ont besoin de découvrir l’amour du Seigneur. Qu’est-ce me touche le plus ? Que puis-je mettre en place comme attention fraternelle, prière d’intercession…?

 Prière :

Faisons nôtre sa prière (PN 24,16) :

«  Rappelle-toi de l’harmonie des Cieux

et de la joie lorsqu’un pécheur vers toi lève les yeux

Ah! je veux augmenter cette grande allégresse

Jésus, pour les pécheurs, je veux prier sans cesse

En nous rappelant :

R/Dans les humbles et les petits, Dieu révèle sa voie.

2. Il n’est pas de plus grand Amour

que de donner sa vie et d’offrir sa faiblesse

A la puissance de la grâce. Cf Hymne de Vigile pour la fête de Ste Thérèse 

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