Editorial
Lorsqu’Elisabeth Catez vient au monde à la fin du 19ème siècle, la dévotion mariale est fortement répandue dans l’Eglise. Le pape vient de proclamer en 1854, le dogme de l’Immaculée Conception et la Vierge Marie est apparue plusieurs fois à Lourdes, à Bernadette Soubirous. L’ordre du Carmel, a su échapper à quelques dérives de son époque et garde très vive la place de Marie dans son expérience spirituelle.
Dans la prime jeunesse d’Elisabeth qui grandit à l’ombre du Carmel, ce qui relève d’une dévotion populaire et quelque peu affective se trouvera centrée et équilibrée dés ses premiers pas au Carmel. Devenue Sœur Elisabeth de la Trinité, dans une maturité pleinement accomplie au soir d’une vie pourtant brève, elle a fait place à une juste dévotion mariale.
Ce premier feuillet portera sur sa jeunesse et ses premières années au Carmel, un deuxième suivra pour présenter son expérience trinitaire de Marie.
A 14 ans, Elisabeth ressent l’appel intérieur de devenir carmélite, elle se tourne alors vers Marie et fait secrètement le vœu privé de virginité, elle écrit dans son journal et ses poésies :
« Avec ton Fils, Mère tant aimée,
Je veux mener une vie cachée.
Je veux être au Carmel,
C’est mon voeu éternel! » P2
« Marie, ô tendre Mère,
Je me mets sous ta protection
Ecoute ma prière.
Et bénis mes résolutions » P1
Son journal de jeune fille fait place alors à sa dévotion à Marie. Là peut être perçu en premier l’aspect intéressé, pour elle-même ou pour d’autres, de sa dévotion :
« A chaque fête de Marie, je renouvelle ma consécration à cette bonne Mère. Aujourd’hui donc je me suis confiée à elle, et de nouveau je me suis jetée dans ses bras, avec la plus entière confiance, je lui ai recommandé mon avenir, ma vocation… Oh! Que je désire tant ramener des âmes à mon Jésus! Je donnerais ma vie seulement pour contribuer au rachat d’une de ces âmes que Jésus a tant aimées. Ah, je voudrais le faire connaître, le faire aimer de toute la terre! Je suis si heureuse de Lui appartenir, je voudrais que le monde entier se place sous ce joug si doux, sous ce fardeau si léger !…. »J2
Elle l’invoque sous le nom de Notre Dame du Perpétuel Secours.
« Je viens de passer une si bonne demi-heure auprès du trône de Notre-Dame du Perpétuel-Secours que je tiens à venir en parler. Ah, comme j’ai prié au fond du cœur pour les pauvres pécheurs, comme j’ai dit à Marie d’accepter le sacrifice de ma vie, de n’importe quelle manière, pour le retour de ces malheureux… Je me figurais que j’étais réellement auprès de cette bonne Mère, et je lui ai parlé avec abandon et confiance. O Marie, vous qu’on ne prie jamais en vain, je vous en conjure, exaucez ma prière. Ah, vous ne pouvez me refuser ce que je vous demande : c’est l’âme, le salut de mes frères, l’âme de ce pécheur qui est aussi votre enfant!… O Mère, à quel prix m’exaucez-vous? Parlez, je vous écoute, je suis prête à tout!.. »J49
L’obstacle majeur de la réponse à sa vocation de carmélite semble pour Elisabeth venir de sa mère, aussi se tourne-t’elle vers Marie :
« O Marie, vous m’exaucez, continuez à me soutenir » J 105
Après beaucoup de réticences sa Mère lui donne enfin l’autorisation d’entrer au Carmel pour ses 21 ans alors son cœur exulte de joie et elle écrit :
« Avant de quitter l’église j’ai confié mon pauvre pécheur à la Vierge du Perpétuel-Secours. Je lui ai promis de l’invoquer chaque jour pour cette pauvre âme. Ensuite je me suis de nouveau consacrée à Marie, je me suis abandonnée à elle avec pleine confiance. Ah, elle m’a si bien exaucée, jamais je ne lui dirai assez mon amour et ma reconnaissance… Je suis si heureuse, mon cœur déborde de joie, d’avance je jouis de mon bonheur. O Mère du Perpétuel-Secours, chaque jour je t’invoquerai dans une double intention, afin que tu continues à soutenir ma chère maman, qui maintenant me comprend si bien; et puis pour me soutenir aussi dans cette voie de la Croix dans laquelle je m’engage avec tant de bonheur à la suite de mon Jésus. Mère, obtiens-moi d’y persévérer, de devenir tout à fait parfaite. Ah, garde mon cœur pur, je te le confie, je te l’abandonne. » J132
« Marie, ô ma Mère Bien-Aimée,
O Vierge que j’ai tant invoquée,
Merci, merci, c’est trop de bonheur
Oh, quelle joie inonde mon cœur !
Ma Mère, ô ma douce espérance,
Mon premier cri de reconnaissance,
Ma première prière est pour toi.
Que tu te montres bonne pour moi. » P68
A l’intérieur du Carmel, voilà Sœur Elisabeth de la Trinité dans le milieu idéal où va s’approfondir sa vie mariale. Peu avant sa prise d’habit elle écrit à sa mère /
« Dimanche, fête de Notre-Dame des Sept-Douleurs, j’ai pensé que c’était un peu ta fête, ma chère petite maman, aussi avec quelle ferveur j’ai prié pour toi! Tu l’as bien senti, n’est ce pas? J’ai mis ton âme dans celle de la Mère des douleurs et je lui ai demandé de te consoler. Nous avons dans le fond du cloître une statue de [la] Mater Dolorosa à laquelle j’ai beaucoup de dévotion. Tous les soirs je vais lui parler de toi; ce soir je lui ai dit mon petit mot avant de monter t’écrire. » L94
Elisabeth s’engage définitivement au Carmel en Janvier 1903 et dans la lettre qu’elle écrit à sa mère en décembre 1903, pour la consoler de la séparation, nous découvrons que sa dévotion à Marie a évolué, elle la place alors dans sa relation au Christ :
« Voici la sainte Vierge qui veut revenir à toi pour te dire tous les souhaits de ton Élisabeth. C’est tout son cœur qu’elle t’apporte aujourd’hui!… J’ai passé avec cette chère statue des jours délicieux dans l’intimité de notre petite cellule; elle m’a dit tant de choses. Tu verras comme elle est vivante: qu’elle vienne combler le vide de ta solitude, en te disant les secrets de l’union. Jésus, Marie, ils s’aimaient tant : tout le cœur de l’un s’écoulait en l’autre! Je suis à bonne école, maman chérie! Il m’apprend à t’aimer comme Il a aimé, Lui le Dieu tout Amour. Mais pour faire la volonté de son Père Il a quitté cette Mère qu’Il aimait infiniment. Moi aussi c’est pour cela que je t’ai laissée, mais je suis plus près de toi, car je n’ai plus qu’un cœur, qu’une âme avec ma petite maman! Je confie à la sainte Vierge toutes mes tendresses, tous mes souhaits pour toi et pour Guite. » L188
Résonnance pour notre vie …
Dans une confiance absolue, la jeune Elisabeth confie à Marie ses désirs pour elle et pour ses proches. Puis, au Carmel, sa dévotion à Marie évolue, elle la situe dans sa relation au Christ :
Quelle est la teneur de ma prière à Marie ?
Prière
Marie : Garde mon cœur,
Façonne-le pour le Sauveur
Vierge en qui je mets ma confiance.
je voudrais te ressembler, ô ma Mère,
Pour ressembler au divin Roi
Auquel j’aspire tant à plaire.
Dans tes mains avec confiance,
O Marie, ô mon espérance,
J’abandonne tous mes désirs,
Ma vocation, mon avenir
Jésus, Toi que j’adore, ô Toi que j’aime
Oui, je bénis ta volonté.
Marie immaculée, écoute ma prière.
d’après Poésie 65 du 8 décembre 1898