Editorial.
Nicolas Herman, en religion « Frère Laurent de la Résurrection » est né en Lorraine en 1614. Un jour, en hiver, regardant un arbre dénudé, et réalisant que peu de temps après, des feuilles paraîtraient de nouveau, puis des fleurs et des fruits, il fait la découverte de la Présence de Dieu en lui, découverte qui va bouleverser sa vie… Il sera soldat, mais peu de temps. Il essaie alors la vie érémitique, qu’il abandonne aussi très vite. Enfin, il entre comme frère convers chez les carmes déchaux de la rue Vaugirard à Paris. Là, il sera tour à tour cuisinier, savetier…mais il est aussi chargé d’approvisionner en vin le couvent, ce qui lui vaut de nombreux déplacements, en Auvergne par exemple.
Profondément marqué par cette Présence de Dieu au plus intime de son être, il partage, soit à travers ses lettres, soit dans ses relations, « son trésor ». Très vite le rayonnement de « l’humble frère savetier » s’étend. Il meurt le 12 février 1691.
Comment vivre cette Présence de Dieu?
Frère Laurent nous dit : « Je renonçais pour son amour à tout ce qui n’était pas LUI, et je commençais à vivre comme s’il n’y avait que LUI et moi au monde… Je le regardais dans mon cœur, comme mon Père, comme mon Dieu… Je l’y adorais le plus souvent que je pouvais. En tout temps, à toute heure et à tout moment, dans le plus fort de mon travail, je bannissais et éloignais de mon esprit tout ce qui était capable de m’ôter la pensée de Dieu. (L 12) Je veillais à ne rien faire, à ne rien dire et à ne rien penser qui puisse lui déplaire…Je suis à présent si habitué à cette divine présence, que j’en reçois des secours continuels en toutes sortes d’occasions… « Si quelquefois je suis un peu trop absent de cette divine présence, Dieu se fait sentir aussitôt… Je réponds alors par une élévation de mon cœur vers Dieu, ou par un regard doux et amoureux, ou par quelques paroles que l’amour forme en ces rencontres, par exemple : «Mon Dieu, me voici tout à vous : Seigneur, faites-moi selon votre cœur.» Et pour lors je sens que ce Dieu d’amour, se contentant de ce peu de paroles, se rendort au fond de mon âme. ( Lettre 1 )
Et les distractions ? Que faire ? Frère Laurent confie à un conseiller spirituel :
« Un remède à nos distractions : c’est d’avouer nos fautes et de nous humilier devant Dieu. … Je lui déclare toutes mes malices ; je lui en demande pardon, je m’abandonne entre ses mains pour qu’il fasse de moi ce qui lui plaira. Je ne veux que lui et être tout à lui. Ce Roi plein de bonté et de miséricorde, bien loin de me châtier, m’embrasse amoureusement, me fait manger à sa table, me sert de ses propres mains, me donne les clefs de ses trésors et me traite en tout comme son favori ; il s’entretient et se plaît sans cesse avec moi en mille et mille manières… Je le prie de former en mon âme sa parfaite image et de me rendre entièrement semblable à lui… (Lettre 2)
… « Pendant quelques années, je me suis appliqué soigneusement le reste du jour, et même pendant mon travail, à la présence de Dieu, que je considérais toujours auprès de moi, souvent même dans le fond de mon cœur, ce qui me donna une très haute estime de Dieu …Je fis insensiblement la même chose pendant mes oraisons, ce qui me causait de grandes douceurs et de grandes consolations : je me trouvai tout d’un coup changé. … Et mon âme, qui jusqu’alors était toujours en trouble, se sentit dans une profonde paix intérieure… je n’ai pas d’autre volonté que celle de Dieu… je ne m’occupe qu’à me tenir toujours en sa sainte présence…c’est un entretien muet et secret de l’âme avec Dieu qui ne passe quasi plus… « L’expérience de ces choses me rend certain que Dieu est toujours en ce fond de mon âme, je ne peux en douter, quoi que je fasse et qu’il m’arrive …. Sentant en moi continuellement un si grand trésor, je ne suis plus en peine de le chercher… “Dieu a des trésors infinis à nous donner “… lorsqu’il trouve une âme pénétrée d’une foi vive, il lui verse des grâces en abondance” ( Lettre 1 )
A une religieuse il donne quelques conseils :
« Pour vivre cette présence, il faut que le cœur soit vide de toutes autres choses, Dieu le voulant posséder seul … Il n’y a pas au monde de manière de vie plus douce ni plus délicieuse que la conversation continuelle avec Dieu ; ceux-là seuls la peuvent comprendre qui la pratiquent et qui la goûtent… Cependant, ce ne sont pas les consolations que nous devons chercher en cette pratique, mais faisons-le par un principe d’amour et parce que Dieu le veut… ( Lettre 3 )
Je ne peux comprendre comment les personnes religieuses peuvent vivre contentes sans la pratique de la présence de Dieu. Pour moi, je me tiens retiré avec lui au fond et centre de mon âme autant que je peux, et lorsque je suis ainsi avec lui, je ne crains rien …
Nous pouvons continuer avec lui notre commerce d’amour, demeurant en sa sainte présence, tantôt par un acte d’adoration, de louange, de désir, tantôt par un acte d’offrande, d’action de grâces… ce sont des prières qui, pour courtes qu’elles soient, sont cependant très agréables à Dieu …personne n’en voit rien, et il n’est rien de plus facile que de redire souvent pendant la journée ces petites adorations intérieures. ( Lettre 4 )
« Que nous serions heureux si nous pouvions trouver le trésor dont parle l’Évangile ! Comme il est infini, plus on y fouille, plus on y trouve de richesses. Occupons-nous sans cesse à le chercher, ne nous lassons pas jusqu’à ce que nous l’ayons trouvé. [… ]. (Lettre 5)
A d’autres religieuses et à une dame il écrit :
” Tenez-vous devant Dieu comme un pauvre muet et un paralytique à la porte d’un riche… Je ne vous conseille pas de beaucoup discourir à l’oraison. Occupez-vous à tenir votre esprit en la présence du Seigneur… Si vous persévérez de la sorte, Dieu aura pitié de vous… On n’est pas saint tout d’un coup !… Mettons en lui toute notre confiance … Nous avons un Dieu infiniment bon et qui sait ce qu’il nous faut…Espérez en lui plus que jamais… Notre cœur est où est notre trésor ! (Lettres 7 et 8)
“Le moindre petit souvenir lui sera toujours fort agréable. Il ne faut pas pour cela crier bien haut, il est plus près de nous que nous ne pensons. Il n’est pas nécessaire d’être toujours à l’église pour être avec Dieu ; nous pouvons faire de notre cœur un oratoire dans lequel nous nous retirons de temps en temps pour nous y entretenir avec lui, doucement, humblement et amoureusement. Il est toujours auprès de vous et avec vous, ne le laissez pas seul. Tout le monde est capable de ces entretiens familiers avec Dieu… Demandez-lui, comme un enfant à son bon père, la conformité à sa sainte volonté et le secours de sa grâce. … (Lettres 10 et 12)
Dieu a plusieurs moyens pour nous attirer à lui… La foi seule doit être notre soutien…Il faut s’abandonner entre ses mains et attendre tout de lui…ne rien faire ne rien dire et ne rien penser qui lui puisse déplaire…Nous pouvons tout avec la grâce du Seigneur. Il ne la refuse pas à ceux qui la lui demandent avec instance. Frappez à sa porte, persévérez à frapper et je vous réponds qu’il vous ouvrira en son temps. (Lettres 13 et 15)
« Ne nous arrêtons pas à chercher ou à aimer Dieu pour les grâces qu’il nous a faites. Ces faveurs, pour grandes qu’elles soient, ne nous approcheront jamais si près de lui que la foi nous en approche par un simple acte ; cherchons-le souvent par cette vertu. Il est au milieu de nous, ne le cherchons point ailleurs » (Lettre 16)
Résonnance dans ma vie.
Baptisés, nous sommes tous appelés à vivre en présence de Dieu, à faire de notre cœur « un oratoire » dans lequel nous nous retirons souvent pour être avec Lui et Lui parler amoureusement.
Comment vivons-nous cette grâce de la Présence de Dieu en nous ?
Quels moyens nous donnons-nous pour mieux vivre de cette présence ?
Prière
Ô Toi qui es chez toi dans le fond de mon cœur.
Laisse-moi te rejoindre dans le fond de mon cœur.
Ô Toi qui es chez Toi dans le fond de mon cœur
je t’adore, mon Dieu, dans le fond de mon cœur.
Ô Toi qui es chez toi dans le fond de mon cœur
Loué sois-tu, Seigneur, dans le fond de mon cœur.
Ô Toi qui es chez toi dans le fond de mon cœur
Je m’offre à ton amour dans le fond de mon cœur.
Ô Toi qui es chez toi dans le fond de mon cœur
Je veux ce que tu veux dans le fond de mon cœur
Ô toi qui es chez toi dans le fond de mon cœur
Abîme de lumière dans le fond de mon cœur
Ô Toi qui es chez toi dans le fond de mon cœur
Que surgisse ta joie au fond de mon cœur …
(P. Henri Caffarel)