Saint Jean de la Croix, disciple de Sainte Thérèse, situe l’amour- miséricorde de Dieu, au cœur de son expérience et de son message.
« Jésus Christ est le visage de la miséricorde du Père » (Pape François). La personne de Jésus est bien l’axe de la foi et de la vie de Jean de la Croix : la première consigne qu’il nous donne est :
« d’avoir le désir habituel d’imiter le Christ en tout, de se conformer à sa vie qu’il faut bien considérer afin de savoir l’imiter et d’agir en tout comme lui-même l’aurait fait » (Montée L1/ch13 dans Grégoire p.83.)
A travers ses poèmes, Jean de la Croix ne cesse de chanter l’amour d’un Dieu plein de tendresse, de bonté, riche en miséricorde, jusqu’à nous envoyer son Fils pour nous sauver.
« Les choses de la foi ne viennent pas de l’homme ; elles viennent de la bouche de Dieu ; Il les a exprimées Lui-même par sa bouche (…) Aujourd’hui que la foi est fondée sur le Christ et que la loi évangélique est manifestée dans cette ère de la grâce qu’Il nous a donnée (…) dès lors qu’Il nous a donné son Fils qui est sa Parole (…) Il nous a tout dit en cette seule Parole ».
« Si je t’ai déjà tout dit dans ma parole, qui est mon Fils, (…).
Fixe ton regard uniquement sur lui; c’est en lui que j’ai tout déposé, paroles et révélations ; en lui tu trouveras même plus que tu ne demandes et que tu ne désires. Tu me demandes des paroles, des révélations ou des visions, en un mot des choses particulières ; mais si tu fixes les yeux sur lui, tu trouveras tout cela d’une façon complète, parce qu’il est toute ma parole, toute ma réponse, toute ma vision, toute ma révélation. Or, je te l’ai déjà dit, répondu, révélé, quand je te l’ai donné pour frère, pour maître, pour compagnon, pour rançon, pour récompense… « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, … écoutez-le » (…), fixez seulement les yeux sur lui, et vous y trouverez les mystères les plus profonds, les trésors de la sagesse et des merveilles divines qui sont renfermés en lui, … « En lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu. » (Col.2,3). (Montée Livre 2,ch.20 p.232-233trad. Grégoire)
« La miséricorde est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre »( Pape François2).Jean de la Croix parle de ce Dieu qui ne cesse de chercher sa créature, dans un langage symbolique biblique, et poétique. (voir Cant.Spirituel.B strophe 32 traduction : Mère Marie du St Sacrement)
« Tandis que Tu me regardais
Tes yeux gravaient en moi (tes grâces)
C’est pourquoi, d’amour Tu m’aimais
Les miens ont mérité par là
De pouvoir adorer ce qu’en Toi ils voyaient. »
C’est l’épouse (l’âme) qui parle à son Epoux (Jésus Christ). Jean commente cette strophe : (Cantique spirituel B strophe 32)
« …le regard de Dieu, c’est son amour (…) Par les yeux de l’Epoux (Jésus Christ), elle (l’âme, épouse) entend sa divinité miséricordieuse, qui, s’inclinant avec miséricorde vers une âme, imprime et verse en elle son amour et sa grâce. Cette effusion lui communique une beauté, une élévation qui la rendent participante de la Divinité elle-même »
« C’est pourquoi, d’amour Tu m’aimais ». « Aimer d’amour, c’est aimer profondément, (…) c’est doubler d’amour, (…) L’Epoux l’aime d’abord parce qu’Il s’est laissé retenir par le ‘’cheveu d’amour’’ ; ensuite, Il l’aime d’amour parce qu’Il a été blessé par ‘’l’œil de sa foi’’.
Et s’Il l’a aimée avec cette tendresse, c’est qu’Il a voulu lui communiquer, par son regard, une beauté qui attirât ses complaisances, car c’est Lui-même qui lui a donné le ‘’cheveu d’amour’’ et qui a formé, par sa charité, ‘’l’œil de sa foi’’. (…). Elle peut donc dire avec raison : « c’est pourquoi d’amour Tu m’aimais » Quand Dieu met sa grâce dans une âme, Il la rend par là même digne et capable de son amour (…). Il aime l’âme en Lui-même, avec Lui-même et du même amour dont Il s’aime (…)
« Les miens ont mérité par là », par cette faveur que les yeux de ta miséricorde m’ont accordée tandis que Tu me regardais et que Tu me rendais agréable à tes yeux, digne de tes regards, les miens ont mérité « de pouvoir adorer ce qu’en Toi ils voyaient » (…) Les puissances de mon âme, ô mon Epoux, qui sont comme les yeux dont je puis Te contempler, ont mérité de porter sur Toi leurs regards (…). Etre en état de regarder Dieu, pour l’âme, c’est le pouvoir de faire des œuvres dans la grâce de Dieu (…) Elle est obligée de reconnaitre les innombrables bienfaits qu’elle en a reçus (…) et ceux qu’Il verse encore sur elle à tout instant ; elle lui doit pour tous ces bienfaits l’adoration, le service ininterrompu de ses puissances (…) (CS B str 32,trad.M.Marie du St Sacrement )
« Nous sommes invités à vivre de miséricorde, parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde. Le pardon des offenses devient l’expression la plus manifeste de l’amour miséricordieux» (Pape François n°9,3.)
Jean de la Croix a beaucoup souffert, incompris de ses frères, maltraité, emprisonné, mis en retrait, jusqu’à la fin de sa vie. Aucune plainte de sa part, en tout cela, il se réjouissait de vivre le mystère de la croix à la suite de son Maître. Sa vie et sa doctrine sont l’émanation de sa recherche inlassable de son Bien- Aimé.
« Seigneur, ce que je veux que tu me donnes, ce sont des souffrances à supporter pour Toi, et que je sois déprécié et compté pour peu de chose »
Il souffrait de l’indifférence de l’homme vis à vis de Dieu :« Le Christ est bien peu connu de ceux qui se donnent pour ses amis… » (MC II 7,12)
« ah ! malheureux celui qui de mon amour s’est fait absent, et ne veut pas jouir de ma présence ! » (Le Pastoureau)
Dans son poème « Le Pastoureau », Jean de la Croix parle de l’amour miséricordieux de Dieu, tel l’amour du bon pasteur qui part à la recherche de sa brebis perdue et qui la rapporte enfin sur ses épaules.
Un Pastoureau, seul, est en peine,
Loin du plaisir et du contentement,
Et en sa pastourelle la pensée fixée,
Et le sein d’amour très meurtri.
Ne pleure pas que l’amour lui fait une plaie,
Car il n’a peine de se voir ainsi affligé,
Bien qu’en son cœur il soit blessé ;
Mais pleure de penser qu’Il est oublié
Car rien qu’à la pensée d’être oublié
De sa belle pastourelle, en grande peine
Il se laisse outrager en terre étrangère,
Le sein d’amour très meurtri.
Et dit le Pastoureau : ah ! malheureux
Celui qui de mon amour s’est fait absent,
Et ne veut pas jouir de ma présence
Et le sein par son amour très meurtri !
Et après un long temps, Il s’est élevé
Sur un arbre, où Il ouvrit ses beaux bras ;
Et mort il demeura, pendu à eux,
Le sein d’amour très meurtri.
Le regard fixé sur Jésus en croix, Jean compatit à la souffrance de son Bien- Aimé, seul, en peine, blessé, affligé parce qu’Il est oublié de sa « pastourelle », l’hom-me, chacun et chacune de nous… L’incarnation jusqu’à la croix est le chemin que Dieu a pris pour nous sauver, nous réconcilier avec Lui. « Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » Il veut entrer en relation avec l’homme mais celui-ci « s’est fait absent », et « ne veut pas jouir de ma présence ». C’est par amour que Dieu nous a envoyé son Fils ; c’est par amour que Jésus nous a révélé le Père, c’est par amour qu’Il se laisse crucifier et qu’Il pardonne.
Résonnance dans ma vie.
« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,36)
Prière.
Seigneur Jésus, toi qui nous as appris à être miséricordieux comme le Père,
et nous as dit que Te voir, c’est Le voir, montre- nous ton visage, et nous serons sauvés…
Tu es le visage visible du Père invisible, du Dieu qui manifesta sa toute puissance
par le pardon et la miséricorde ;
fais que l’Eglise soit, dans le monde, ton visage visible, Toi son Seigneur ressuscité et que quiconque s’adresse à l’un de ses serviteurs se sente attendu, aimé et pardonné par notre Dieu plein de tendresse et de miséricorde.
(Pape François)
|