Editorial.
Le dernier feuillet nous a rappelé les grandes intuitions de Thérèse de l’Enfant Jésus . Quant à la prière, elle qui n’a jamais voulu « composer de belles prières » comme elle le dit elle-même.
Thérèse a bien souligné l’importance de l’oraison (prière silencieuse), de deux heures chaque jour au Carmel, « l’oraison, qui embrase (le monde) d’un feu d’amour » (MC 36v°)Mais, c’est la simplicité qui la caractérise dans sa relation à Dieu depuis qu’elle s’est jetée dans la Voie de la confiance… Thérèse sait que Dieu l’attend :
« Cette année le 9 Juin fête de la Sainte Trinité, j’ai reçu la grâce de comprendre plus que jamais combien Jésus désire être aimé (…). Votre Amour Miséricordieux désire (…) embraser les âmes, puisque votre Miséricorde s’élève jusqu’aux Cieux (…) Oh ! qu’elle est douce la voie de l’Amour!… » (Manuscrit A 84 recto)
Cette voie de l’amour Thérèse l’a découverte tout au long de sa vie notamment dans la Parole de Dieu qui nourrira sa vie de prière :
« j’ai lu ces mots (…) : ‘Si quelqu’un est tout petit qu’il vienne à moi.’ Alors je suis venue devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais (…) j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé : ‘Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux !’ Ah! jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme (…) O mon Dieu, vous avez dépassé mon attente et moi je veux chanter vos miséricordes. » (MC 3r°)
Ou encore : « Je n’ai qu’à jeter les yeux dans le Saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir... Ce n’est pas à la première place, mais à la dernière que je m’élance, au lieu de m’avancer avec le pharisien, je répète, remplie de confiance, l’humble prière du publicain, mais surtout j’imite la conduite de Madeleine, son étonnante ou plutôt son amoureuse audace qui charme le Cœur de Jésus, séduit le mien. Oui je le sens, quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j’irais le cœur brisé de repentir me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l’enfant prodigue…» (MC37 v°)
Pour aider les autres, ou à des moments importants de sa vie, Thérèse va écrire quelques textes, regroupés aujourd’hui en « 21 prières », qui nous montrent diverses tonalités de la prière : elles peuvent nous interpeller… :
> Offrande de la journée, écrite pour une laïque :
« Mon Dieu, je vous offre toutes les actions que je vais faire aujourd’hui, dans les intentions et pour la gloire du Cœur Sacré de Jésus ; je veux sanctifier les battements de mon cœur, mes pensées et mes œuvres les plus simples en les unissant à ses mérites infinis, et réparer mes fautes en les jetant dans (…) son amour miséricordieux. O mon Dieu ! je vous demande pour moi et pour ceux qui me sont chers la grâce d’accomplir parfaitement votre sainte volonté…». (Prière 10, de 1895)
> Prière à Jésus au tabernacle, écrite pour aider ses novices :
« O Dieu caché (…) c’est avec bonheur que je reviens près de vous chaque soir, afin de vous remercier des grâces que vous m’avez accordées et d’implorer mon pardon pour les fautes que j’ai commises pendant la journée qui vient de s’écouler comme un songe (…) Bien loin de me décourager par la vue de mes misères, je viens à vous avec confiance, me souvenant que : ‘Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. ’Je vous supplie donc de me guérir, de me pardonner, et moi je me souviendrai, Seigneur, ‘que l’âme à laquelle vous avez remis davantage doit aussi vous aimer plus que les autres !’ (…) Et demain, avec le secours de votre grâce, je recommencerai une nouvelle vie.» (Pr 7, 16 Juillet 1895)
> Prière pour obtenir l’humilité, rédigée pour Sr Marthe, novice, alors que Thérèse est à bout de force :
« O Jésus ! (…) vous avez dit : ‘Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos de vos âmes.’ (…) Pour obtenir cette grâce de votre infinie miséricorde je vous répéterai bien souvent : ‘O Jésus, doux et humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre !’»
(Prière 20, du 16 Juillet 1897)
On peut sentir quelques prières plus spontanées :
> A la Sainte Face, écrite alors que Thérèse vient d’entrer dans la nuit de la foi :
« O Face Adorable de Jésus, seule Beauté qui ravit mon cœur, daigne imprimer en moi ta Divine Ressemblance (…). O mon Bien-Aimé, (…) je te supplie de m’embraser de ton amour (…) Thérèse de la Sainte Face. » (Prière 16, été 1896)
> Au Seigneur, Dieu des armées, prière inspirée par une image représentant Jeanne d’Arc, alors que Thérèse est en plein combat contre la maladie :
« Seigneur, (…) armez-moi pour la lutte (…) je vous en supplie, fortifiez mon courage... (…) Je suis prisonnière de votre Amour (…) O mon Jésus, je bataillerai donc pour votre Amour jusqu’au soir de ma vie. Puisque vous n’avez pas voulu goûter de repos sur la terre, je veux suivre votre exemple (…) Etre avec vous, être en vous, voilà mon unique désir… » (Prière 17, 1896-1897)
Enfin la prière de Thérèse est évidemment très concrète et touche le quotidien de la vie fraternelle tout comme celui de frères plus lointains, notamment ceux qui sont confiés alors à sa prière :
> « Jésus me dit que cette sœur, il faut l’aimer, qu’il faut prier pour elle, quand même sa conduite me porterait à croire qu’elle ne m’aime pas » (MC 15v°)
> Prière pour l’abbé Bellière :
« O mon Jésus ! je vous remercie de combler un de mes plus grands désirs, celui d’avoir un frère, prêtre et apôtre (…) Puisque vous daignez accorder à votre pauvre petite épouse la grâce de travailler spécialement à la sanctification d’une âme destinée au sacerdoce, je vous offre pour elle avec bonheur, toutes les prières et les sacrifices dont je puis disposer ; je vous demande, ô mon Dieu ! de ne pas regarder ce que je suis, mais ce que je devrais et voudrais être, c’est-à-dire une religieuse tout embrasée de votre amour. Vous le savez, Seigneur, mon unique ambition est de vous faire connaître et aimer, maintenant mon désir sera réalisé ; je ne puis que prier et souffrir, mais l’âme à laquelle vous daignez m’unir par les doux liens de la charité ira combattre dans la plaine pour vous gagner des cœurs, et moi sur la montagne du Carmel je vous supplierai de lui donner la victoire. Divin Jésus, écoutez la prière que je vous adresse pour celui qui veut être votre Missionnaire, gardez-le au milieu des dangers du monde (…) Que déjà son sublime apostolat s’exerce sur ceux qui l’entourent, qu’il soit un apôtre… » (Prière 8, du 17-21 Octobre 1895)
Résonnances dans ma vie :
Ma prière est-elle une rencontre amoureuse et confiante avec Celui qui m’attend ?
Est-ce que je sais me jeter avec confiance dans les bras du Seigneur, compter sur Son amour et Sa grâce, au lieu de me décourager ?
Est-ce que je sais offrir tout ce que je vis au Seigneur pour qu’Il agisse à travers moi ?
Prière : Acte d’offrande à l’Amour Miséricordieux (écrite à la fête de la Trinité)
« O mon Dieu ! Trinité Bienheureuse, je désire vous Aimer et vous faire Aimer (…). Je désire accomplir parfaitement votre volonté (…), mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu d’être vous-même ma Sainteté. Puisque vous m’avez aimée jusqu’à me donner votre Fils unique pour être mon Sauveur et mon Epoux, les trésors infinis de ses mérites sont à moi, je vous les offre avec bonheur, vous suppliant de ne me regarder qu’à travers la Face de Jésus et dans son Cœur brûlant d’Amour. (…) L’Amour et les mérites de la Sainte Vierge, ma Mère chérie, c’est à elle que j’abandonne mon offrande la priant de vous la présenter. Son Divin Fils, mon Epoux Bien-Aimé, (…) nous a dit : « Tout ce que vous demanderez à mon Père, en mon nom, il vous le donnera ! » Je suis donc certaine que vous exaucerez mes désirs ; je le sais, ô mon Dieu ! Je sens en mon cœur des désirs immenses et c’est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. (…) Restez en moi, comme au tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie…» (Prière 6, du 9 Juin 1895)