Le Livre des Fondations
Editorial
Pour la 3ème année de relecture des œuvres de Thérèse d’Avila, nous sommes invités à lire le Livre des Fondations. Ce Livre poursuit l’aventure commencée en 1562 et rapportée dans le Livre de la Vie ch.32-36, la fondation du carmel Saint Joseph d’Avila. Thérèse a vécu dans “ ce petit coin de Dieu ” (Vie 35,12) où, dit-elle :“ j’y demeurai 5 ans… ce furent les années les plus paisibles de ma vie ”.(Fond.1,1) Elle y trouve “ses délices à vivre dans la compagnie d’âmes si saintes et si limpides, en un lieu où l’unique préoccupation était de servir et de louer Notre Seigneur ” (Fond. 1,2). “ Avec ce temps grandissait mon désir d’être l’occasion du bien de quelques âmes… je servais le Seigneur par mes prières, je m’efforçais d’inciter mes sœurs à en faire autant, leur donnant le goût du bien des âmes et celui de l’accroissement de son Eglise… mes grands désirs aboutissaient là ” (Fond.1,6). Un jour dans l’oraison, elle entend cette parole : “ Attends un peu, ma fille, et tu verras de grandes choses ”.(Fond.1,8) Elle ne comprend pas mais en garde la mémoire. Un an plus tard, la grande aventure des Fondations commence : 15 monastères de sœurs et 2 couvents de frères. Elle ne le fait pas de sa propre initiative, Thérèse est mandatée et envoyée. “Le Livre des Fondations, comme le Livre de sa Vie est un écrit narratif dans lequel Thérèse se fait également pédagogue. Le récit et l’enseignement ne cessent de s’entrecroiser ” ( D.M.Golay) Cette année, nous proposons une lecture privilégiant les grands thèmes thérésiens. (Guide pastoral des Frères Carmes). Le premier est l’obéissance. C’est bien l’obéissance qui l’amène à fonder et à entreprendre la rédaction de ses Fondations. Dans ce Livre, elle emploie 36 fois le terme obéissance ; nous y trouvons un véritable enseignement. : Laissons-la parler
Prologue : 1. L’expérience m’a montré, …combien il est bon qu’une âme ne s’écarte pas de l’obéissance. J’entends par cela l’avancement dans la vertu, et l’apprentissage de l’humilité; c’est en quoi la crainte est une assurance, car il sied aux mortels de craindre, en cette vie, de manquer le chemin du ciel. C’est dans l’obéissance qu’on trouve la quiétude, tant prisée par les âmes qui désirent contenter Dieu. Si elles ont vraiment résigné leur entendement en faveur de cette sainte obéissance, si elles se refusent à toute autre opinion que celle de leur confesseur, ou de leur Supérieur s’il s’agit de religieux, le démon renonce à les harceler de ses inquiétudes continuelles, …; nos bruyants empressements à faire notre volonté et à assujettir la raison à notre bon plaisir cessent, nous nous rappelons que nous avons résolument remis notre volonté à Dieu, et que nous nous sommes soumis à ceux qui le représentent, Sa Majesté, dans sa bonté, m’a révélé le trésor qu’enferme cette précieuse vertu d’obéissance, et malgré ma faiblesse, je me suis efforcée, bien imparfaitement, d’y atteindre…
2. J’étais à Saint Joseph d’Avila, l’an 1562, … lorsque le P. Garcia de Toledo, dominicain, qui était alors mon confesseur, m’ordonna d’écrire le récit de la fondation de ce monastère… Présentement, à Salamanque, en l’année 1573, …le P. Ripalda, lut ce livre de la première de nos fondations; il lui sembla que ce serait bien servir Notre-Seigneur que d’écrire l’histoire des sept autres monastères qui ont été fondés depuis, par la bonté de Notre Seigneur, ainsi que les commencements des monastères des Pères Carmes déchaux, et il me donna l’ordre de le faire. Cela me sembla impossible à cause des nombreuses affaires, lettres et autres occupations obligatoires, que m’imposent les Supérieurs, je m’en remis à Dieu, assez angoissée, car je suis pour peu de chose dans ce qui a été fait et ma santé est si mauvaise qu’il me semblait souvent que ma basse nature ne pouvait assumer toutes mes obligations avant que me soit imposée cette nouvelle tâche. Le Seigneur me dit: “ Ma fille, l’obéissance donne des forces.”
Chapitre 5, 2. …je voudrais faire comprendre que l’âme n’est pas la pensée, que ce n’est pas la pensée qui commande à la volonté…; pour le progrès de l’âme il résulte donc qu’il ne s’agit pas de penser beaucoup, mais de beaucoup aimer.
3. Comment acquérir cet amour ? En décidant d’agir et de souffrir et en appliquant ce principe en toute circonstance. Il est vrai qu’il nous suffit de penser à ce que nous devons au Seigneur, à ce qu’il est, à ce que nous sommes, pour rendre notre âme intrépide; c’est méritoire… à condition pourtant que nos devoirs d’obéissance ou d’assistance à notre prochain ne s’interposent pas. L’une et l’autre chose empiètent sur le temps que nous désirerions tant donner à Dieu, seules avec sa pensée, nous régalant de ses régals. Mais y renoncer pour n’importe laquelle de ces deux choses, c’est le régaler, lui, et agir comme il nous le dit de sa bouche: “toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites ”. Mat. 25, 40. Quant à l’obéissance, qui bien aime Notre-Seigneur ne voudra pas suivre un autre chemin que celui qu’il a suivi : “ obéissant jusqu’à la mort ” ( Philip. II, 8. )
5. Ô charité de ceux qui aiment véritablement ce Seigneur, et le connaissent ! Ils ne se reposeront guère, s’ils voient qu’il dépend d’eux d’aider une seule âme à progresser et à aimer Dieu davantage, de la consoler, ou de l’écarter d’un danger ! … ils oublient leur propre contentement pour ne songer qu’à faire la volonté du Seigneur, comme il sied à l’obéissance. II ferait beau voir que Dieu nous commandât clairement d’agir pour son service et que nous nous y refusions sous prétexte que nous préférons passer notre temps à le regarder !
6. .. Et comme il est certain que l’âme qui s’abandonne à vous, décidée à vous aimer, ne peut trouver meilleur moyen de vous plaire que l’obéissance, une fois qu’elle s’est assuré de ne rien désirer qui ne soit utile à votre service! Elle n’a pas besoin de chercher sa voie ni de la choisir, car sa volonté est la vôtre.
7… Donc allez, mes filles! Pas de désolation lorsque l’obéissance vous amène à vous appliquer aux choses extérieures; si c’est à la cuisine, comprenez que le Seigneur se trouve au milieu des marmites; il vous aide intérieurement et extérieurement.
10. Je crois que le démon oppose à l’obéissance, sous couleur de bien, des ennuis et difficultés infinis, sachant que le chemin de l’obéissance est celui qui conduit le plus rapidement à l’extrême perfection… l’extrême perfection ne se trouve pas dans les régals intérieurs, ni dans les grandes extases, ni dans les visions, ni dans l’esprit de prophétie, mais bien dans une telle conformité de notre volonté avec celle de Dieu qu’il nous suffise de comprendre qu’il veut quelque chose pour que nous le voulions de toutes nos forces; …l’amour, lorsqu’il est parfait, a le pouvoir de nous faire oublier notre propre contentement pour contenter celui que nous aimons.
11… Étant donné que nous ne sommes jamais maîtres de notre volonté, maîtres de la fixer sur Dieu en toute pureté, en toute innocence, tant que nous ne la soumettons pas à la raison, l’obéissance est le meilleur moyen de l’assujettir.
13. Il est clair qu’on ne peut donner ce qu’on n’a pas: il faut commencer par le posséder (le feu de l’amour) Croyez-moi: pour acquérir ce trésor, il n’est meilleur moyen que de creuser et de travailler afin de l’extraire de la mine de l’obéissance;
17… si nous considérons qu’il est venu du sein du Père, par obéissance, se faire notre esclave. Comment pourrons-nous jamais reconnaître et payer cette faveur ? Mais il sied, lorsque nous sommes dans l’action, même si nous n’agissons que par obéissance et charité, de ne pas négliger de nous tourner intérieurement vers Dieu. Croyez-moi: ce n’est pas la longueur du temps passé dans l’oraison qui profite à notre âme; son bon emploi dans l’action nous est d’un grand profit, et quelques instants de travail nous embrasent d’amour mieux que de nombreuses heures de considération. Tout doit nous venir de la main du Seigneur. Qu’il soit béni à présent et toujours. (traduction : Marcelle Auclair)
Prière
Père, je m’abandonne à Toi,
fais de moi ce qu’il te plaira.
Quoique tu fasses de moi,
Je te remercie.
Je suis prêt à tout. J’accepte tout.
Pourvu que ta volonté se fasse en moi
en toutes tes créatures,
je ne désire rien d’autre, mon Dieu.
Je remets mon âme entre tes mains.
Je te la donne, mon Dieu
avec tout l’amour de mon cœur,
parce que je t’aime
et que ce m’est un besoin d’amour
de me donner, de me remettre entre tes mains
avec une infinie confiance,
car tu es mon Père.
( Frère Charles de Jésus.)
Parole pour aujourd’hui
“Quant à l’obéissance, qui aime bien Notre Seigneur, ne voudra pas suivre un autre chemin que celui qu’il a suivi : obéissant jusqu’à la mort” ( 5,3 )
“ L’amour, lorsqu’il est parfait, a le pouvoir de nous faire oublier notre propre contentement pour contenter Celui que nous aimons ” ( 5,10 )
Le Christ est notre modèle, comme il l’était pour Thérèse (5,3.17) Nous pouvons rechercher dans l’Evangile, quelle a été l’obéissance du Christ :
( Jean 4,34 ; 5,30 ; 6,38 ; 8,29 ; 14,31 ; 15,10 ; 17,4 ; Mat.26,39-42 ; Marc 14,36 Luc 22,42 ; Jn 12,27-28 ; 18,11…)
Thérèse souligne beaucoup de bienfaits qui naissent de l’exercice de l’obéissance, quels sont-ils ? qu’en pensons-nous ?