Le Livre des Demeures.
Editorial
Cette année 2012-2013 nous continuons notre lecture des grandes œuvres de Sainte Thérèse d’Avila (Thérèse de Jésus) Après avoir lu et médité, le Livre des Miséricordes ou La Vie le Chemin de perfection, les Fondations, nous sommes invités à lire son plus bel ouvrage : le Château intérieur ou Livre des Demeures. Cette œuvre est née dans un contexte particulièrement difficile. De 1562 à 1577, Thérèse a fondé 11 monastères. Les persécutions contre sa Réforme s’intensifient jusqu’en 1579-1580. Thérèse a été dénoncée, l’autographe de “ La Vie ” est séquestrée par l’Inquisiteur ; elle est priée d’arrêter ses fondations et de se retirer dans l’un de ses monastères avec interdiction d’en sortir “ sous peine d’excommunication ”. En juin 1576, elle quitte l’Andalousie et se réfugie au monastère de Tolède. A toutes ces difficultés, s’ajoutent de graves problèmes de santé, Thérèse se sent épuisée. Thérèse se remet à écrire, par obéissance. Elle commence le 2 juin 1577, jour de la fête de la Sainte Trinité et achève son œuvre le 29 novembre de la même année. Le Château intérieur ou Livre des Demeures est le livre de la maturité spirituelle de Thérèse, présenté sous une forme moins personnelle. Elle y reprend le trésor de ses expériences relatées dans “ La Vie ” et “ Le Chemin ” pour l’enrichir des nouvelles grâces qu’elle a reçues. Le cheminement spirituel de la vie chrétienne y est décrit comme une croissance en 7 étapes ou “ Demeures ” qui correspondent à autant de “ progrès ” à la suite et avec le Christ.
Dans son Prologue, Thérèse se présente et entre en conversation avec nous :
1. “ L’obéissance m’a ordonné…depuis 3 mois, ma tête est si faible et si pleine de bruit que j’ai peine à écrire… Mais sachant que la force de l’obéissance peut aplatir des choses qui semblent impossibles, ma volonté s’y décide de bien bon gré… je me fie à sa miséricorde.
2. Si le Seigneur veut que je dise du nouveau, sa Majesté me le donnera, ou me rappellera ce que j’ai déjà dit…
3. Je commence donc à tenir ma promesse aujourd’hui, fête de la Très Sainte Trinité…( fidèle à ce qu’enseigne la Sainte Eglise Catholique )…”
1ère étape : en marche vers la conversion . ( Les 3 premières Demeures ) Ières Demeures ch.I De la beauté et de la dignité de notre âme…La porte d’entrée dans ce Château.
1. “…considérons notre âme comme un château fait tout entier d’un seul diamant ou d’un très clair cristal, où il y a beaucoup de chambres, de même qu’il y a beaucoup de demeures au ciel. Car à bien y songer, l’âme du juste n’est rien d’autre qu’un paradis où Il dit trouver ses délices. Donc, comment vous-représentez-vous la chambre où un Roi si puissant, si sage, si pur, si empli de tous les biens, se délecte? Je ne vois rien qu’on puisse comparer à la grande beauté d’une âme et à sa vaste capacité. Vraiment, c’est à peine si notre intelligence, si aiguë soit-elle, peut arriver à le comprendre, de même qu’elle ne peut arriver à considérer Dieu, puisqu’il dit lui-même qu’il nous a créés à son image et à sa ressemblance. Or, s’il en est ainsi, et c’est un fait, nous n’avons aucune raison de nous fatiguer à chercher à comprendre la beauté de ce château ; il y a entre lui et Dieu la même différence qu’entre le Créateur et la créature, puisqu’il est sa créature; il suffit donc que Sa Majesté dise que l’âme est faite à son image pour qu’il nous soit difficile de concevoir sa grande dignité et sa beauté.
2 Il est bien regrettable que, par notre faute, nous ne nous comprenions pas nous-mêmes, et ne sachions pas qui nous sommes.Celui à qui on demanderait, qui il est, et qui ne se connaîtrait point, qui ne saurait pas qui fut son père, ni sa mère, ni son pays, ne prouverait-il pas une grande ignorance ? Ce serait d’une grande bêtise, mais la nôtre est plus grande, quand nous ne cherchons pas à savoir ce que nous sommes, nous bornant à notre corps, et, en gros, à savoir que nous avons une âme, parce que nous en avons entendu parler et que la foi nous le dit. Mais les biens que peut contenir cette âme; qui habite en cette âme, ou quel est son grand prix, nous n’y songeons que rarement; c’est pourquoi on a si peu soin de lui conserver sa beauté…
3. Considérons donc que ce château a, comme je l’ai dit, nombre de demeures, les unes en haut, les autres en bas, les autres sur les côtés; et au centre, au milieu de toutes, se trouve la principale, où se passent les choses les plus secrètes entre Dieu et l’âme. Il faut que vous soyez attentives à cette comparaison. Peut-être, par ce moyen, Dieu consentira-t-il à vous faire comprendre quelques-unes des faveurs que Dieu veut bien accorder aux âmes, et, dans la mesure du possible, les différences qu’il y a entre elles; car personne ne peut les comprendre toutes, tant elles sont nombreuses… Si le Seigneur vous accorde (ces faveurs), vous aurez le grand réconfort de savoir que cela est possible; sinon, vous louerez sa grande bonté. …. comment ne pas nous réjouir que Dieu accorde ces grâces à l’un de nos frères sans que cela l’empêche de nous l’accorder à nous aussi, et de voir que Sa Majesté manifeste ses grandeurs en quiconque ? Ce sera, parfois, dans le seul but de les manifester, comme le Seigneur l’a dit lui-même à propos de l’aveugle à qui il a rendu la vue, lorsque les Apôtres lui ont demandé s’il était aveugle à cause de ses péchés ou par la faute de ses parents. Il arrive, ainsi, que celui à qui il fait ces faveurs ne soit pas plus saint que celui à qui il ne les fait point, il veut seulement qu’on reconnaisse sa grandeur, comme nous le voyons dans saint Paul et Madeleine, et pour que nous le louions en ses créatures.
5. Donc, pour revenir à notre bel et délicieux château, nous devons voir comment nous pourrons y pénétrer… Vous avez sans doute déjà vu certains livres d’oraison conseiller à l’âme d’entrer en elle-même; or, c’est précisément ce dont il s’agit…
7. la porte d’entrée de ce château est l’oraison et la considération; je ne dis pas mentale plutôt que vocale, car pour qu’il y ait oraison, il doit y avoir considération. Celle qui ne considère pas à qui elle parle, et ce qu’elle demande, et qui est celle qui demande, et à qui, je n’appelle pas cela faire oraison, pour beaucoup qu’elle remue les lèvres…”
Prière
Ame, tu dois te chercher en Moi
Et me chercher, Moi, en toi.
Par amour, tu as été créée
Ravissante et belle ;
Ton image est au fond de Moi.
Si tu te perds, ma bien-aimée,
C’est en Moi qu’il faut te chercher.
Et si, par hasard tu ne sais
Où tu peux me trouver,
C’est en toi qu’il faut me chercher.
Car c’est toi qui es ma Demeure,
Tu es ma Maison, tu es mon chez-moi, …
Hors de toi, ne va pas me chercher
Puisque, pour me trouver, Moi,
Il te suffit de m’appeler…
Thérèse de Jésus. Poème 8
Parole pour aujourd’hui
Notre-Seigneur me fera déjà une grande grâce si cet écrit aide quelques-unes d’entre elles à le louer un petit peu plus. Sa Majesté sait bien que je ne prétends à rien d’autre…
(Prologue 4)
Louer le Seigneur… qu’Il soit connu et aimé pour Lui- même et pour tout ce qu’Il accomplit en nous…
tel est bien le souhait de Thérèse.
“Saisies par Dieu et brûlées du désir
de Le faire connaître et aimer ”
Demandons à l’Esprit Saint d’ouvrir notre cœur et notre intelligence pour comprendre et vivre ce que Thérèse nous enseignera en relisant son œuvre.