Editorial
Cette année, nous avons choisi de partager un trésor de la spiritualité carmélitaine : la place de Marie dans notre vie de foi. Marie veut conduire chacun de nous à son Fils. « Depuis les origines jusqu’à nos jours (…) les diverses générations du Carmel ont cherché à modeler leur vie sur les exemples de Marie » (Jean Paul II le 25 mars 2001). « Toutes les branches de notre Famille Carmélitaine partagent un même et profond souci de renouveler la théologie, la spiritualité et la dévotion mariales et notre amour de la Vierge Marie. » (…) « La Vierge Marie, notre Mère, notre Patronne et notre Sœur est certainement l’un des dons les plus éminents que nous ayons reçu de Dieu ». « Marie, la Vierge Mère de Dieu, et des hommes, n’est pas seulement un modèle à imiter, mais une douce présence de Mère et de Sœur à laquelle se confier » (J. Chalmers, oc et C. Maccise, ocd en 2001).
Les origines du Carmel et son lien avec Marie.
Elles s’enracinent en Israël sur le Mont Carmel. Le XIIème siècle est une époque de renouveau spirituel, centré sur le Christ des Evangiles. Les Croisades étaient le pèlerinage par excellence. Certains de ces pèlerins-croisés se retirent sur le Mont Carmel. Ces croisés vivent dès 1150 dans cette contrée en solitaires, près de « la Source » à la manière des communautés d’ermites palestiniennes. Albert, Patriarche de Jérusalem, vers 1210 remet aux frères-laïcs une « Formule de vie ». Or aucune mention de Marie n’est faite dans la Règle primitive du Carmel …!
Comment se fait-il que le Carmel, soit décrit, selon une expression médiévale, comme “entièrement à Marie”? Voici quelques repères…
L’existence d’une chapelle en l’honneur de la Vierge Marie sur le Mont Carmel
Le témoignage le plus ancien (entre 1220 et 1229) du lien du Carmel à Marie dit ceci : « Sur le versant de cette même montagne, dans un site très beau et très gracieux, habitent les ermites latins que l’on appelle “frères du Carmel” ; ils ont bâti une bien belle petite église à Notre-Dame“. cf. “Les chemins et les Pèlerinages de Terre Sainte, les plus vieux textes”. Les ermites placent l’église sous le patronage directe de Marie, “Mère de Jésus” et “Dame de la Terre Sainte”. Or dans le contexte de la société féodale, le peuple était consacré au service d’un seigneur pour bénéficier de sa protection… Par la suite, la chapelle est agrandie et le titre de la Vierge sera donné à tout le Monastère…
La consécration des frères à la Vierge. En consacrant leur église à la Vierge, les « frères du carmel » se consacraient eux mêmes à elle : ils se plaçaient sous son Patronage et sous la protection de la Mère de Dieu qui recevra des titres d’amour et de vénération : «Dame et Patronne» de l’Ordre, «Mère» (1369), «Sœur» (XIVème), «Vierge très pure»…
Enfin le nom des frères en a très vite été marqué : 1220 : « frères du Carmel » ; 1227 : « Ermites de Sainte Marie du Mont Carmel » ; 1233 : « Ordre des frères de la Bienheureuse Marie du Mont Carmel » …et actuellement « Frères de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel ».
Lors du retour en Europe (13e siècle), ce lien a Marie s’est renforcé
La Vierge Marie est reçue comme Protectrice de l’Ordre dans les moments difficiles de son expansion en Occident. A partir de 1238, les Carmes quittent le Mont Carmel en vagues successives, chassés par les Musulmans. Ils reviennent pour la plupart dans leur pays d’origine : surtout l’Angleterre, la France…Les Franciscains et les Dominicains se développent alors de manière spectaculaire… et l’Église cherche à limiter le foisonnement des ordres religieux ! cf. Concile de Latran de 1215.Aussi le Concile de Lyon de 1274 supprime 22 ordres religieux nés après 1215, mais sursoit à la suppression des Carmes… Eux, qui avaient prié la Vierge Marie pour leur sauvegarde, lui attribuent cette décision tant espérée, votée le 17 juillet 1274.
Vers l’an 1251, Saint Simon Stock, prieur général de l’Ordre, reçoit de la Vierge Marie, en signe de sa protection sur l’Ordre, le Scapulaire qui sera appelé « l’habit de la Vierge ». Celui-ci va jouer un rôle considérable pour développer dans l’esprit du peuple chrétien le sens et la valeur de la Consécration à Marie et donc le désir de lui appartenir corps et âme pour mieux suivre le Christ. Il reste un signe important pour qui veut le recevoir, nous y reviendrons. Plus tard, en 1317, la Vierge apparaît au Pape Jean XXII. qui reconnait alors définitivement l’Ordre qui lui est consacré.
La fête patronale sera fixée après le XIVème siècle au 16 juillet pour célébrer ” la Reine et la Beauté du Carmel ” : Plus que jamais honorée, Marie est objet de contemplation, de joie, d’émerveillement : elle resplendit de la Gloire de son Fils et attire à lui ses enfants.
Marie, maitresse et modèle de vie spirituelle.
Les expressions « Mère », « Sœur », « Vierge très pure » ressortent de textes très anciens.
“Mère” : le Carmel contemple en Marie la femme, qui dans la pureté de son cœur est à l’écoute de la Parole de Dieu et sait consentir à sa mission de mère du Messie. Particularité : le Carmel est dit « élianique et marial ». En fait le village de Nazareth est situé à quelques vingt kilomètres du Mont Carmel et Arnold Botius (1445-1499) a multiplié les rapprochements entre les deux personnages en faisant référence à Elie implorant Dieu pour la pluie (1Rois, 18,24). jusqu’à ce que son serviteur lui annonce «le petit nuage « grand comme la paume de la main d’un homme » qui se résout en pluie, et féconde la terre desséchée : image de la Vierge qui nous donnera le Sauveur..
“Sœur” : ce vocable, qui traduit nos relations de familiarité et d’intimité avec la Vierge, a été reconnu par l’Église et sera par la suite source de spiritualité pour les auteurs carmélitains postérieurs.
‘’Vierge très pure’’ : dans la contemplation du mystère de la Vierge, les Carmes ont vu en elle le modèle du choix d’une vie virginale dans le Carmel et sa relation avec la contemplation. De là l’insistance des auteurs carmes sur la contemplation filiale de la Vierge très pure et l’engagement à l’imiter dans cette attitude spirituelle, représentée symboliquement par la cape blanche, vêtement traditionnel des carmes et carmélites.
Le Carmel s’est donc senti appelé dès ses origines à vivre une relation privilégiée avec la Vierge Marie, avec l’intime conviction qu’il faut appartenir à Marie pour appartenir pleinement au Christ.
Le Carmel va ainsi sans cesse associer le service de Marie à celui de Jésus, la consécration à Marie à la consécration au Christ réalisée par le baptême. « Le Carmel aspire à regarder et à aimer Dieu avec l’esprit et l’âme de Marie. Comme il s’unit au Christ, le Carmel se cache en Marie…. » (Père Paul-Marie de la Croix, ocd). Les différents Saints du Carmel nous rappelleront cette année, à tous, que cette vie d’intimité avec Marie peut se décliner de multiples façons.
Résonnance dans ma vie :
« Reine et beauté du Carmel, mais plus encore Mère et Maîtresse de vie spirituelle, la Vierge Marie nous apprend à vivre comme elle, de l’accueil de l’Amour de Dieu répandu dans nos cœurs par l’Esprit très saint qui y demeure, et du don de nous mêmes à la louange de la gloire du Père pour le salut du monde. » (Fr. Jean-Gabriel de l’E. J., ocd).
– Quelle relation ai-je avec Marie, quelle place a-t-elle dans ma vie ?
– Quels moyens puis-je prendre pour me laisser davantage guider par elle ?
Prière.
Goûtons les mots de Saint Simon Stock pour prier la Vierge Marie.
« Fleur du Carmel,
Vigne fleurie,
Vierge féconde,
Mère douce et toute pure,
Etoile de la mer,
donne-nous un signe
de ta maternelle protection ».
Beauté du ciel,
Que la prière maternelle de la Vierge Marie vienne à notre aide, Seigneur : accorde-nous, par sa protection, de parvenir à la Montagne véritable qui est le Christ, notre Seigneur. (Oraison de la fête de Notre Dame du Mont Carmel)