Editorial
Bien évidemment, Thérèse Bénédicte de la Croix, carmélite, s’est nourrie de l’oraison et elle l’a fait à l’école de Thérèse d’Avila qui a retourné son cœur en une nuit de lecture lors de sa conversion. Edith Stein a pu aussi partager son expérience de la vie de prière en tant que laïque totalement insérée dans le monde et nourrie de la prière de l’Eglise. Laissons-nous rejoindre par ses réflexions. Dans un écrit pour ses sœurs au Carmel d’une « Vie de Thérèse d’Avila », Thérèse Bénédicte de la Croix résume ce qu’est la prière.
« La prière est la relation de l’âme avec Dieu. Dieu est Amour, et l’Amour est Bonté qui s’offre elle-même, une plénitude d’être qui ne reste pas enclose en elle-même mais qui veut se communiquer, s’offrir aux autres et les combler de bonheur….La prière est l’activité la plus haute dont l’esprit humain soit capable...Mais ce n’est pas un acte accompli par l’être humain seulement…La prière, c’est une échelle de Jacob par laquelle l’esprit de l’homme va vers Dieu en s’élevant et la grâce de Dieu vers l’homme en descendant. »
Puis elle rappelle : « Le degré le plus bas de l’échelle est appelé prière vocale. (…) Les paroles fixes sont un soutien pour l’esprit et lui indiquent un chemin sûr. (…) La méditation occupe un degré supérieur(…) L’entendement mobilise toutes les facultés de l’âme et, pratiquée avec une fidélité persévérante, elle a le pouvoir de transformer progressivement toute la personne. (…) Sainte Thérèse nomme ce degré suivant l’oraison de quiétude ou de simplicité. (…) elle est totalement prise par ce qui s’impose à elle… c’est la présence de son Dieu qui lui est proche et la fait se reposer en lui. » (cf Amour pour Amour, Source cachée page 118…)
Elle donne des conseils pratiques pour le quotidien dans sa Conférence “Les voies du silence”:”
« La première heure de ma journée appartient au Seigneur. La tâche qu’Il m’indiquera je l’accomplirai, mais c’est Lui qui m’en donnera la force. (…) puis j’irai vers ce qu’Il me découvrira en un silencieux dialogue (…). Mon âme sera grandie et fortifiée, car, sortie d’elle-même, elle aura pénétré dans la vie divine. (…) Le Seigneur y aura allumé la flamme de la charité qui, brûlant doucement, la poussera à communiquer aux autres ce feu de l’amour. (…)
A midi me voilà donc épuisée, rentrant chez moi la tête brisée, pour y trouver sans doute quelque souci supplémentaire. Hélas, qu’est-il advenu de cette fraîcheur matinale de l’âme ? Je serai tentée de foncer sur l’obstacle, de me mettre en colère, les sujets d’impatience, de mécontentement, de remords, me dévoreront le cœur. (…) Ici encore, il faut retrouver la paix, ne serait-ce qu’un instant. Chacune doit se connaître assez pour savoir par quel moyen rétablir le calme.(…) Rien ne doit alors nous détourner de nous enfermer en nous- mêmes, de nous isoler des bruits et de nous enfuir vers le Seigneur. Il est toujours présent et Il peut en un instant restaurer nos forces. Ainsi le reste de la journée se déroulera peut-être dans la fatigue et l’affliction, mais dans la paix.
Le soir venu, si notre regard intérieur découvre bien des lacunes, nous révélant tout ce qui a été manqué, si la honte et le repentir nous montent au cœur, prenons-nous comme nous sommes – avec ce que nous avons pu achever, puis remettons-nous entre les mains de Dieu, et abandonnons Lui tout. Alors nous pourrons nous reposer en Lui, nous reposer en vérité.
Quant à la journée neuve qui nous attend demain, nous l’aborderons comme une vie nouvelle où tout recommence. Ces conseils n’ont d’autre but que de vous aider à organiser vos journées de façon à faire place à la grâce de Dieu. (…) » (Conférence « Les voies du silence )
Rejoindre la prière du Christ et la prière de l’Eglise
« Toute âme humaine est en elle-même un temple de Dieu (…) La vie de prière de Jésus est la clé pour comprendre (…). (cf. La Prière de l’Eglise page 61)
« Dans le silencieux dialogue du coeur avec Dieu, les pierres vivantes sont préparées pour édifier le Royaume de Dieu, les instruments choisis sont forgés pour servir à la construction.» ( La Prière de l’Eglise page 69 dans Source cachée)
Toute prière véritable est prière de l’Eglise : à travers toute prière véritable, il se passe quelque chose dans l’Eglise et c’est l’Eglise elle-même qui la prie car c’est l’Esprit Saint vivant en elle qui, en chaque âme unique, «intervient pour nous par des cris inexprimables ». (…) « Que serait la prière de l’Eglise si elle n’était pas l’offrande de ceux qui, brûlant d’un grand amour, se donnent au Dieu qui est Amour? »
Edith poursuit :
« Le don de soi à Dieu, par amour et sans limite, et le don divin en retour, l’union pleine et constante, est la plus haute élévation du coeur qui nous soit accessible, le plus haut degré de la prière. Les âmes qui l’ont atteint sont en vérité le cœur de l’Eglise : en elles vit l’amour de Jésus grand-prêtre. Cachées en Dieu avec le Christ, elles ne peuvent que rayonner dans d’autres coeurs l’amour divin dont elles sont remplies et concourir ainsi à l’accomplissement de l’unité parfaite de tous en Dieu, ce qui était et demeure le grand désir de Jésus. C’est bien ainsi que Marie-Antoinette de Geuser avait compris sa vocation. Elle dut accomplir cette suprême mission du chrétien au milieu du monde et son parcours a certainement valeur d’exemple et d’encouragement pour ceux qui, nombreux aujourd’hui, se sentent poussés à prendre fait et cause pour l’Eglise en prenant radicalement leur vie intérieure au sérieux et qui n’ont pas reçu l’appel à suivre cette vocation en menant une vie cachée dans un monastère. »
(pages 70-71, La Prière de l’Eglise)
« Pour les esprits bienheureux qui ont pénétré dans l’unité de la vie intime de Dieu, tout est unifié: le repos et l’activité, la contemplation et l’action, le silence et le discours, l’écoute attentive et la communication de soi, l’amour qui reçoit et se donne et l’épanche-ment de l’amour qui chante sa louange et sa reconnaissance.». (…)
Nous avons besoin des temps durant lesquels nous écoutons, attentifs et silencieux, et laissons agir en nous la Parole de Dieu jusqu’à ce qu’elle nous presse de porter des fruits dans notre sacrifice de louange et l’offrande de nos actes. Nous avons besoin des formes traditionnelles, nous avons besoin de participer au service divin public et prescrit pour que la vie intérieure demeure en éveil et sans déviance et y trouve son expression juste. La louange de Dieu solennelle doit avoir sur la terre ses foyers, où elle soit développée jusqu’à la plus haute perfection accessible aux hommes. De là, elle peut s’élever vers le ciel pour toute l’Eglise et agir sur les membres de l’Eglise : éveiller la vie intérieure et la stimuler à poursuivre une harmonie extérieure. Mais elle doit être vivifiée de l’intérieur en disposant aussi en ces lieux d’un espace où s’approfondir dans le silence. Autrement, elle perdrait sa nature propre et ne serait plus qu’une louange du bout des lèvres, rigide et sans vie. Une protection contre ce danger lui est offerte par les foyers de prière intérieure où les âmes se tiennent devant la Face de Dieu dans la solitude et le silence, pour être dans le coeur de l’Eglise l’amour qui vivifie tout. » (pages 72-73, La Prière de l’Eglise)
« (…) le chemin qui conduit à la vie intérieure (…), c’est le Christ. (…) Il nous purifie du péché dans le baptême et le sacrement de pénitence, il ouvre nos yeux à la lumière éternelle, il ouvre nos oreilles pour percevoir la Parole divine, il ouvre nos lèvres pour entonner le chant de louange, pour prier la prière de réconciliation, de demande, d’action de grâce; et toutes ces prières ne sont que des formes différentes de la seule adoration, c’est-à-dire de l’hommage de la créature à Celui qui est la toute-puissance et la toute-bonté. » (page 73 La prière de l’Eglise, Source cachée)
Résonnance pour notre vie …
1) Dans mes journées, quels sont les temps de rencontre avec le Seigneur ? Qu’est-ce qui m’aide ? Qu’est-ce que je me sens appelé(e) à mettre en place ?
2) Edith Stein parle de « foyers de prière intérieure ». Quels sont mes lieux sources ? Qu’est-ce que je souhaiterais pour me ressourcer plus facilement ? Que puis-je inventer avec d’autres ?
Prière : poème composé à la Pentecôte 1942
Qui es-Tu douce Lumière qui me combles
et illumines la ténèbre de mon cœur ?
Comme la main d’une mère,
Tu me conduis et, si Tu me lâchais,
je ne saurais faire un pas de plus.
Tu es l’espace environnant mon être
et l’abritant en Toi.
Toi, qui m’es plus proche que je ne le suis moi-même,
qui m’es plus intérieur que mon propre cœur,
et pourtant insaisissable, inconcevable,
au-delà de tout nom,
Saint-Esprit, éternel Amour !