Chemin de perfection
Editorial
Les sœurs de Saint Joseph d’Avila demandent au Père Bagnès sj d’ordonner à la “ Santa Madre ” de composer un petit traité, quelques conseils pratiques pour leur vie carmélitaine. Nous sommes donc, dans ces chapitres (4 à 20), en présence d’une pédagogie spécialement adaptée aux sœurs de ce monastère : pour devenir contemplatives il est nécessaire de pratiquer l’amour fraternel, le détachement et l’humilité. Mais toutes les personnes qui cultivent la rencontre familière avec Dieu dans la prière trouveront dans ces pages un guide éclairé et sûr. En parlant d’humilité, Thérèse ne peut s’empêcher de revenir au sujet de l’oraison qu’elle compare à de “ l’eau vive ” (chap.19), cette “ eau vive ” que Jésus promet à la Samaritaine. ( Jn 4/ 13-14)
(traduction Marcelle Auclair ch 4 à 20.)
“ Vous venez de voir, mes Filles, la grandeur du but que nous devons atteindre. … Il nous faudra évidemment travailler beaucoup. …Eh bien, si nous veillons à garder exactement notre Règle et nos Constitutions, j’espère que Dieu, dans sa bonté, exaucera nos prières. Je ne vous demande rien de nouveau, mes Filles… (4/1)
La Règle primitive de notre Ordre dit que nous devons « prier sans cesse ». Ne négligeons rien pour remplir ce devoir, le plus important de tous, et nous observerons les jeûnes, les disciplines et le silence que l’Ordre demande de nous ; car vous ne l’ignorez pas, l’oraison, pour être véritable, doit être aidée de toutes ces pratiques ; d’ailleurs la mollesse et l’oraison ne vont pas ensemble… (4/2)
C’est de l’oraison que vous m’avez priée de vous parler quelque peu… je veux signaler certaines choses qui sont nécessaires à ceux qui marchent par ce chemin de l’oraison ; elles sont même tellement nécessaires que l’on peut être avec elles très avancé dans le service de Dieu sans être très contemplatif… (4/3)
Mon but est de vous exposer seulement trois points de la Constitution elle-même. La première, c’est l’amour que nous devons avoir les unes pour les autres ; la seconde, le détachement de toutes les créatures ; la troisième, la véritable humilité, vertu qui, bien que nommée la dernière, est cependant la principale et embrasse toutes les autres…. (4/4)
Thérèse va maintenant nous parler de ces trois points qu’elle juge essentiels pour une personne qui aspire à la vie contemplative . L’amour profond que nous devons avoir les unes pour les autres et dont je parle en premier est chose très importante… (4/5)
Lorsque l’amour mutuel des sœurs tend à la gloire de sa Majesté, on le voit promptement … dans cette maison où nous ne sommes et ne devons être que treize, toutes les sœurs doivent être amies, toutes doivent s’aimer, se chérir et s’entraider. Pour l’amour de Dieu, qu’elles se gardent bien de ces amitiés particulières si saintes soient elles… (4/7)
Lorsque Dieu montre clairement à une âme ce qu’est le monde et le peu qu’il vaut, ainsi que l’existence d’un autre monde, la différence qu’il y a entre les deux, l’éternité de l’un, le songe rapide de l’autre ; lorsqu’il lui dévoile ce que c’est que d’aimer le Créateur ou la créature ; lorsque l’âme connaît cela, non seulement par son intelligence ou par la foi, mais par son expérience, ce qui est bien différent ; lorsqu’elle voit et éprouve ce qu’elle gagne à aimer le Créateur, ce qu’elle perd à aimer la créature, ce qu’est l’un, ce qu’est l’autre ; lorsqu’elle voit encore beaucoup d’autres vérités que le Seigneur enseigne à ceux qui s’abandonnent à sa conduite dans l’oraison ou qu’il daigne instruire, alors elle aime d’une manière beaucoup plus parfaite que ceux qui ne sont pas élevés à cet état… (6/3)
Il n’y a pas de meilleur moyen que l’oraison pour découvrir les pièges du démon et l’obliger à se démasquer… (7/6)
Parlons maintenant du détachement où nous devons être. Il est tout pour nous s’il est parfait … Pensez-vous, mes sœurs, que ce soit une petite faveur de nous procurer un tel bien, en nous donnant complètement et sans réserve aucune à Celui qui est tout ? … (8/1)
Après vous être détachées du monde et des proches pour vous enfermer ici dans les conditions dont j’ai parlé, il vous semblera peut-être que vous n’avez plus rien à faire et que vous n’avez plus de combat à soutenir. O mes sœurs, gardez-vous d’une pareille sécurité ; ne vous endormez pas. Vous ressembleriez à celui qui se couche bien tranquille parce qu’il a soigneusement fermé ses portes par crainte des voleurs quand il les a laissés dans sa maison. Vous le savez déjà, il n’y a pires larrons que ceux-là. Or c’est nous-mêmes qui demeurons dedans. Si donc nous ne nous surveillons beaucoup, si chacune de nous ne considère comme l’affaire la plus importante de toutes le renoncement à sa volonté propre, une foule d’obstacles nous enlèveront la sainte liberté d’esprit et empêcheront l’âme de prendre son vol vers le Créateur, dégagée de ce qui est terre et plomb … (10/1)
Voici un grand remède pour cela. Considérons sans cesse que tout est vanité et combien tout est passager. … (10/2)
C’est néanmoins chose rude encore que de nous détacher de nous-mêmes et de lutter contre notre nature. Nous sommes si unies à nous-mêmes et nous nous aimons beaucoup … La porte est ouverte ici à la véritable humilité. Cette vertu et celle du renoncement marchent toujours ensemble, à mon avis …(10/3)
Quant à nous religieuses, nous faisons le principal lorsque nous renonçons à notre volonté pour l’amour de Dieu et la remettons aux mains d’autrui … (12/1)
Travaillons donc à contredire en tout notre volonté. Si nous nous y appliquons comme je l’ai dit, nous arriverons peu à peu et sans savoir comment au sommet de la perfection … (12/3)
Que chacune d’entre vous considère où elle en est de l’humilité et elle verra où elle en est de ses progrès spirituels … (12/6)
Je ne puis comprendre qu’il y ait et qu’il puisse y avoir de l’humilité sans amour ni d’amour sans humilité. Il n’est pas possible que ces deux vertus existent sans un profond détachement de tout le créé … (16/2)
J’ai à vous parler quelque peu d’une chose très importante : elle concerne l’humilité … ce que je veux dire est un point fondamental de cette vertu ; il est indispensable à toutes les personnes qui se livrent à l’oraison. Comment l’homme véritablement humble pourra-t-il s’imaginer qu’il possède autant de vertu que ceux qui sont devenus contemplatifs ? Sans doute Dieu peut, dans sa bonté et sa miséricorde le rendre tel ; mais qu’il m’en croie, et se tienne toujours à la dernière place, comme nous l’a enseigné Notre Seigneur par sa parole et par ses exemples. Qu’il se dispose néanmoins à la contemplation dans le cas où Dieu voudrait le conduire par cette voie. Si telle n’est pas la volonté de Dieu, l’humilité sera alors sa ressource … (17/1)
Je ne dis pas cela sans raison sérieuse, il est très important de bien comprendre que Dieu ne conduit pas toutes les âmes par le même chemin ; celui qui se croit le plus vil est peut-être le plus élevé devant Dieu. Ainsi donc, bien que toutes les sœurs de ce monastère soient adonnées à l’oraison, il ne s’ensuit pas que toutes doivent âtre contemplatives. C’est impossible. Ce serait un chagrin immense pour celle qui ne le serait pas, si elle ne comprenait point cette vérité que tel état est un pur don de Dieu et n’est point nécessaire pour le salut …(17/2)
Faîtes ce qui est en votre pouvoir, disposez-vous à la contemplation avec toute la perfection dont il a été parlé et soyez-en assurées, Il ne manquera pas, à mon avis, de vous accorder ce don si vous avez vraiment du détachement et de l’humilité … (17/7)
Notre Seigneur a dit à la samaritaine : celui qui boira de cette eau n’aura plus jamais soif. Oh ! Qu’elle est juste, qu’elle est vraie cette parole prononcée par Celui qui est la Vérité même ! …(19/2)
Parmi les nombreuses propriétés que doit avoir l’eau, il y en a trois qui se présentent à mon esprit …l’une c’est de rafraîchir …(19/3)
L’autre est de purifier ce qui est souillé … il suffit d’en boire une seule fois, et je regarde comme certain qu’elle rend l’âme nette et pure de toutes ses fautes. Car, ainsi que je l’ai dit, cette eau, je veux dire l’oraison d’union est une faveur entièrement surnaturelle qui ne dépend point de notre volonté. Dieu ne la donne à l’âme que pour la purifier … (19/6)
L’autre propriété consiste à nous désaltérer et à faire disparaître la soif … (19/8)
Veuillez considérer que le Seigneur appelle tout le monde. Or Il est la vérité même ; on ne saurait douter de sa parole … Mais je le répète, Il nous appelle tous. Je regarde donc comme certain que tous ceux qui ne resteront pas en chemin boiront de cette eau vive. Plaise au Seigneur qui nous la promet, de nous donner la grâce de la rechercher comme il faut. Je le lui demande par sa bonté infinie. ” (19/15)
Prière
“ Ô mon âme, considère avec quelle joie
et quel amour le Père connaît son Fils,
et le Fils connaît son Père ;
contemple avec quelle ardeur le Saint-Esprit
s’unit à eux, et comment chacune
de ces trois Personnes ne peut se départir
de cet amour ni de cette connaissance,
parce qu’elles ne sont toutes les trois
qu’une seule et même chose.
Ces trois Personnes souveraines
se connaissent, elles s’aiment
et elles sont les unes pour les autres
une source de délices.
Quelle nécessité ont-elles donc de mon amour ? …
Oh ! Soyez béni, Ô mon Dieu ; à jamais ! …
Demande-lui de t’aider afin que tu puisses contribuer quelque peu à ce que son nom soit béni et que tu puisses dire avec vérité :
Mon âme chante les grandeurs
et célèbre les louanges du Seigneur. ” (Exclamation 7)
Parole pour aujourd’hui
“ L’amour profond que nous devons avoir les unes pour les autres et dont je parle en premier est chose très importante … ” (4/5)
Et pour moi ? Qu’en est-il ?
“La véritable humilité, vertu qui, bien que nommée la dernière, est cependant la principale qui embrasse toutes les autres. … ” (4/4)
Essayons de découvrir et de bien comprendre ce qu’est l’humilité. Cette vertu nous aidera à vivre l’amour fraternel en vérité